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Les techniques de thérapie brève


1/ INTERROGATOIRE

1/ nouer le contact
Tout d’abord il doit convaincre le patient de l’attention toute particulière que lui porte le médecin. Pour ce, la précision des questions, l’insistance sur des détails peut même apparaître quelquefois presque risible à un observateur par exemple lors d’une consultation publique. Mais elle est essentielle, compte tenu de la qualité de la relation que le thérapeute est capable de créer, pour qu’il puisse entrer dans le monde représentatif du patient.


2/ trouver et rendre évidentes les exceptions
Une autre visée va être de réduire le phénomène. Si d’emblée le patient vous annonce qu’il a mal en permanence, souvent le questionnement va vous permettre d’apprendre qu’il y a des moments où il fait moins de douleurs, par exemple quand ses enfants sont là, ou bien quand il y a un rayon de soleil, ou bien quand il s’occupe de son ordinateur, ou bien pendant son sommeil. Finalement, vous réussissez assez facilement à réduire une douleur officiellement permanente à seulement quelques heures par jour.

Dans la série diachronique vous trouvez des exceptions, il y a bien souvent des jours, ou même des périodes, durant lesquels les douleurs se sont évanouies comme par miracle, c’est très important alors de poser la question au patient de savoir comment il a fait pour les diminuer. Même s’il est incapable de vous répondre il va être confondu de votre certitude que c’est lui qui a fait quelque chose.

Dans cette rubrique, il est très important de se renseigner sur ce qui s’est passé pour sa douleur depuis l’appel téléphonique de demande de rendez-vous : dans un grand nombre de cas, de façon spontanée, il y a eu une amélioration. Ceci se marque surtout par ce que le patient a fait à la place ; on se rend compte qu’il a fait plus d’activités, qu’il a marché un peu plus. Bien souvent les patients cherchent à minimiser cette amélioration d’avant la consultation en faisant appel à des idées telles que l’effet placebo. J’en profite alors pour leur dire et leur expliquer que l’effet placebo n’est rien d’autre que la propre autorisation qu’ils se donnent d’utiliser spontanément leurs ressources pour venir à bout de la difficulté. Généralement suivent alors quelques considérations tirées de travaux scientifiques relatés dans la « psychobiologie de la guérison » de E. ROSSI ou tirés de photocopies diverses que je leur communique qui permettent de convaincre aisément le patient que ce qu’il ne croyait n’être que vil plomb de la suggestion est en fait l’or pur de ses propres ressources.

Le questionnement a également pour rôle de savoir ce que le patient veut. Contrairement à ce que l’évidence pourrait apporter, il apparaît que les patients sont très réalistes et ne veulent pas toujours la douleur zéro. Je pense, par exemple, à un homme qui avait noté une bonne efficacité des morphiniques dans les douleurs les plus fortes qu’il connaissait mais qui ne pouvait les utiliser pour les douleurs résiduelles certes faibles mais qui étaient devenues pour lui des plus gênantes : au lieu de me demander de supprimer 90% de la douleur il me demandait en fait simplement de l’aider à en supprimer 10%. Avouez que c’est quand même plus simple, encore faut-il le savoir.

3/ diviser pour régner

Le questionnement doit avoir pour but également de faire éclater le cadre d’une douleur en plusieurs petites douleurs, c’est là que tous les termes de le description des douleurs sont extrêmement intéressants et que le fait de se mettre à parler de la douleur tiraillante puis de la douleur brûlante, puis de la douleur arrachante devient quelque chose de tout à fait intéressant. Lorsque je commence à demander au patient s’il est capable de ressentir en même temps la douleur brûlante et la douleur tiraillante, il se rend compte très rapidement qu’il est difficile d’avoir présentes à la conscience en même temps plusieurs composantes de la douleur (dans le langage de la séance je dis que « vous ne pouvez pas avoir plusieurs douleurs en même temps). Généralement j’illustre cela par les pratiques des agriculteurs utilisant le tord-nez ou le mors indien sur un cheval pour se livrer à une intervention chirurgicale, la perception de l’animal étant tellement saturée par la douleur céphalique ainsi créée qu’il n’en ressent aucune autre.

Certains thérapeutes demandent si la douleur peut exister dans le creux poplité, zone que la personne ne connait pas, ou bien dans l’épiploon, zone tout autrement mystérieuse et semeuse de doute.

4/ Résultats

Si vous observez bien votre patient pendant ce questionnement vous noterez que son visage commence à devenir moins mobile, les mouvements de son corps sont moins nombreux, une phalange ou deux ont tendance à rester soulevées plus qu’il n’est nécessaire. Bref, il est déjà en train de se mettre en hypnose.

Avouez que c’est quand même bien utile : avec un questionnement bien fait, le patient commence à être en transe hypnotique, par ailleurs, ses problèmes absolument énormes n’existent plus que quelques heures par jour et, si vous avez habilement négocié, on ne vous demande plus que d’en réduire une part. De surcroît vous avez convaincu le patient qu’il était déjà capable de les régler, en tout cas qu’il en avait les capacités.

5/ Utilisation des échelles

Il est tout à fait intéressant d’utiliser également dans ce questionnement des échelles, qu’elles soient digitales c’est à dire chiffrées ou bien analogiques, le patient cochant de façon intuitive le niveau de sa douleur. Ces échelles sont également une excellente façon de préparer l’anticipation il suffit de mettre le trait juste un peu plus loin et de leur dire : « imaginez que vous êtes arrivés là ». Si vous posez les questions précisément, vous allez transporter votre patient dans l’anticipation du changement.


2/ CREER DES RESSOURCES

Vous avez permis à cet homme où à cette femme qui pensait ne rien changer à sa douleur, de se rendre compte qu’en fait qu’il avait beaucoup plus de capacités qu’il ne le croyait. Il est bien souvent utile alors de poser quelques questions sur ses ressources, sur ses loisirs, sur son projet de vie, il est souvent même intéressant de créer des ressources. Si le patient n’est pas totalement convaincu de sa capacité de créer une anesthésie, il est tout à fait aisé, après ce questionnaire, en profitant de cette transe légère sans avoir besoin de la ratifier, de suggérer au patient qu’il enfonce sa main dans seau d’eau glacée ou bien qu’il enfile un gant et créer ainsi une anesthésie de la main qui va le convaincre très aisément que par la simple force de son imagination, il est capable de créer des changements importants au niveau du ressenti de la douleur. Si l’anesthésie de la main n’est pas ou exceptionnellement un modèle utilisable par le patient pour calmer ses douleurs, ce qu’il observe dans sa main vient lui Prouver qu’il a la possibilité de changer quelque chose dans le monde de la douleur.
Cette certitude du changement peut également se construire sur l’apprentissage de la découverte des valeurs, des ressources.


3/ PROJETER DANS L’AVENIR

La certitude du changement ainsi créée, il va falloir la transporter dans l’avenir. Le style du questionnement utilisant le futur de l’indicatif et non le conditionnel, lié à la certitude du thérapeute en ce changement, est déjà très important. Projeter le patient dans l’avenir est également quelque chose de tout à fait essentiel sans avoir besoin pour cela de faire une anticipation dans la transe. Dans un certain nombre de cas, j’utilise la question miracle de STEVE DE SHAZER : (thérapeute Américain remarquable).
« Supposez que le problème est résolu, que, pendant votre sommeil, un miracle a eu lieu, quand vous vous réveillez, vous ne savez pas encore qu’il y a eu un miracle, à quoi allez vous le comprendre » ? Et notre brave homme est bien ahuri lorsqu’il se rend compte que les changements ne concernent pas que la douleur. Je ne suis pas certain en ce qui me concerne qu’il existe dans la séance un temps bien particulier pour l’anticipation, qui est plutôt un travail de « saupoudrage » à certains moments, qui ne fait que venir confirmer et augmenter des impressions, avant d’ancrer progressivement la certitude du changement à venir. A mon sens ce n’est que lorsque ce but est atteint que l’utilisation des techniques d’anticipation, que ce soit la question miracle de DE SHAZER où l’anticipation dans le cadre d’une transe hypnotique sont réellement utilisables.




4/ PRISE EN COMPTE DU CONTEXTE

Quel que soit le point de départ, même organique, d’un symptôme, la plainte est un phénomène complexe qui, dès son origine, s’inscrit dans le culturel. Si elle dure, la plainte va inéluctablement être prise dans le contexte relationnel de l’individu qui la porte. Au bout d’un certain temps, s’il y a lieu, l’utilisation relationnelle peut devenir prédominante. Ceci fait qu’une douleur peut fort bien persister alors que la lésion qui l’a créée a disparu.
Au niveau clinique, un bon signe de cette prédominance relationnelle est l’inefficacité des antalgiques majeurs. Plus le sujet vit dans un contexte ou la plainte est « utilisable » et lui donne un certain « pouvoir », plus la prise en compte relationnelle sera rapide, solide et difficile à mobiliser.
A contrario, plus le milieu de vie de la personne sera chaleureux et équilibré, plus le risque de relationnalisation pathologique de la plainte sera faible. Le plus généralement, il semble que le contexte relationnel familial soit la cible prédominante, mais ce n’est pas toujours le cas et il faudra alors travailler avec d’autres membres du réseau amical ou professionnel.
Dans un bon nombre de cas, heureusement, le milieu est mobilisable. A minima quelquefois une simple intervention de bon sens permettant par exemple la séparation des générations peut avoir une grande efficacité ; quelquefois il faudra mettre en évidence les loyautés invisibles notamment à des personnes disparues : là, l’utilisation de prescriptions telles que des lettres au défunt peuvent être tout à fait décisives.

Quelquefois le milieu familial n’apparaît pas mobilisable, ce qui est d’ailleurs plus du fait de l’incompétence de ma pratique que de la non-mobilisation possible de la famille. Dans ces cas là, j’ai tendance à faire des prescriptions homéostatiques, telle que la prescription du maintien de la plainte, soit directement, soit métaphoriquement. J’aime beaucoup alors conseiller aux patients de continuer à promener ostensiblement leur boîte de médicament, alors même qu’ils en prennent beaucoup moins. Après que le patient ait ainsi progressé à l’abri de ce « bouclier » il deviendra progressivement un cothérapeute d’autant plus compétent qu’il connaît bien le milieu sur lequel il travaille. Cette importance du contexte dans le travail avec la douleur chronique fait que très généralement, lors de la première consultation, j’établis un génogramme qui est un excellent support pour permettre d’emblée au patient de devoir prendre en compte la relationnalisation de sa plainte.
N’oubliez pas que cette approche contextuelle repose sur un champ d’hypothèses qui ne sont jamais que le fruit des projections intellectuelles du thérapeute qui attache souvent de l’importance à convaincre le patient de la justesse de ses vues. Peine perdue, il ne sert à rien d’avoir raison : ce qui compte c’est que la construction soit acceptable, tant par le patient que par le thérapeute ; elle n’a aucun besoin d’être vraie - si tant est que ce mot ait un sens- il ne s’agit que d’un édifice temporaire sur lequel va pouvoir s’appuyer le changement, et qui sera abandonné ensuite. A titre d’exemple, demandez à vos clients ce qui les a fait changer de leur point de vue : vous serez édifiés.

Bien souvent les patients viennent accompagnés et j’ai coutume de prendre en entretien les personnes présentes dans la salle d’attente. Je me fais là de puissants alliés, des cothérapeutes efficaces. Il m’arrive de travailler la séance comme une thérapie de couple ; souvent je compte sur l’à-propos des tiers qui ont tendance à utiliser la séance à leur profit et, de ce fait, créent un changement plus facile à obtenir qui, systémiquement, rendra plus probable le changement du patient « désigné » : par exemple un conjoint se mettra spontanément en transe hypnotique. Si j’ai réussi à connaître ou observer un petit problème qu’il présente, j’utilise cette transe pour l’améliorer. Ceci en fera un allié et d’autre part ce simple changement peut avoir un effet « boule de neige » qui améliorera le patient douloureux.



5/ PRESCRIPTIONS ET TACHES

Je ne vous parlerai pas des prescriptions involontaires et implicites qui passent à travers notre discours et qui font que le patient va utiliser tel où tel aspect de ce qui est dit pour modifier telle ou telle partie de sa vie. Encore que ceci puisse être utilisé pour faire des prescriptions saupoudrages ou bien indirectement en parlant de ce qu’un autre patient a fait pour lui, ce qui augmente de beaucoup l’efficacité de la prescription.

En effet je vois beaucoup de jeunes thérapeutes ericksonniens qui me parlent de prescriptions extrêmement provocantes et finalement pas acceptables par la personne. Je connais des thérapeutes exceptionnels qui ont un charisme tout à fait particulier qui fait que les patients vont faire effectivement pour eux des choses tout à fait surprenantes. Dans la réalité la plupart des thérapeutes n’en sont pas là, ils doivent proposer aux patients uniquement des prescriptions acceptables et pour le patient et pour eux -même.

En matière de douleur chronique, celles-ci sont habituellement simples dans ma pratique.
La plus fréquente est celle-ci : « Si vous faites bien volontairement ce que vous faites d’habitude involontairement vous aurez tendance à faire moins involontairement les symptômes ». Sur cette base exacte empiriquement exacte à défaut d’être logique, le patient reçoit la prescription d’augmenter sa douleur dans un moment d’isolement. Même si cette prescription apparaît « cruelle », elle est généralement bien acceptée parce que bien comprise.

Les prescriptions peuvent également être plus corporelles. Assez souvent je conseille aux patients de faire de l’auto-hypnose. Durant celle-ci, soit ils renouvellent des exercices qu’ils ont déjà faits, soit ils apprennent à travailler sur la métaphorisation dans le lâcher prise. En effet il est essentiel qu’ils acceptent l’idée qu’il faut renoncer à s’occuper de leur douleur pour se contenter d’agir sur les métaphores. J’aime bien leur expliquer alors que nous ne sommes pas dans le monde d’une réalité habituelle mais que nous sommes dans le monde d’Alice au pays des merveilles, où le corps prend les consignes au pied de la lettre.

Fréquemment je confie aux patients des tâches d’observation des changements. En effet, il faut savoir que, comme dans de beaucoup de problématiques, le vécu subjectif est lié à l’attention que les personnes portent à leurs difficultés. Dans le premier temps d’une douleur, il est fréquent que les patients, encore dans la projection active de leur vie, aient tendance à oublier les douleurs, ce qui fait que par exemple, ils ne vont venir consulter que très tard. Un beau jour un événement quelconque fait que cette douleur prend tout à coup de l’importance, se met à faire partie de leur « carte de visite »; à partir de ce moment là, ce ne sont plus les douleurs qu’ils vont oublier mais les moments d’amélioration et, de ce fait, le vécu subjectif de la douleur va devenir bien plus important. Au cours de la thérapie ou bien à l’occasion d’un autre événement, cette tendance peut tout à fait s’inverser et provoquer alors une amélioration qui peut être vue comme miraculeuse.
C’est là que ces tâches d’observation prennent tout leur poids : elles permettent au client de recadrer ses croyances à l’immuabilité de sa douleur en objectivant la variation et le changement. C’est ainsi que le journal de la douleur est intéressant, surtout s’il sert à questionner les périodes d’amélioration. De la même façon le relevé des prises quotidiennes de médicaments est un allié tout à fait efficace.

J’aime également beaucoup confier aux patients des tâches d’anticipation sous la forme par exemple d’une lettre de l’avenir qu’ils adressent à un de leurs amis proches. Dans cette lettre, ils racontent ce qu’ils vivent et cette description d’une vie sans douleur leur est tout à fait utile.

Des prescriptions, enfin, sont contextuelles. Je m’étendrai plus loin sur ce sujet mais d’emblée - vous avez sans doute déjà eu cette expérience - vous savez que la douleur est un symptôme et également l’occasion d’une communication ; bien souvent il faudra que les prescriptions tiennent compte de cet aspect relationnel notamment familial, de l’expression douloureuse pour être source de changement.

Rédigé le 24/11/2008 modifié le 09/01/2009
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