Transes de soin à L'île de La Réunion. Jean-Claude Lavaud



A l’île de La Réunion, dans l’océan Indien, nous sommes culturellement ancrés par ce tissage structurel où la transe est un mode de communication thérapeutique. Dans la culture indo-tamoule réunionnaise certaines de ces transes sont ouvertement publiques, telle que La Marche Sur Le Feu, sacrifice de soi pour la guérison d’un autre. D’autres transes moins connues sont aussi singulièrement centrées sur la « guérison». Cet article constitue un tout petit aperçu de l’un de ses rites de soin.

Nous sommes à Tamatave (ouest de La Réunion), dans un Kovil rural qui accueille une cinquantaine de divinités et de dieux, et particulièrement la puissante Karly. Déesse populairement vénérée sur l’île de La Réunion, elle est l’énergie féminine (shakti) de Shiva. Représentée sous différentes formes qui chacune lui confère une identité particulière, le plus souvent elle tire la langue, non pas pour faire peur – même si, de fait... – mais pour symboliser
sa puissance à engloutir maladies et problèmes de toutes sortes. Le Kovil est un espace construit consacré aux cultes hindouistes. Il y a deux types de Kovil sur l’île. L’un est urbain, d’émergence récente (les années 1980), dédié principalement à Vishnou et tenu par des Swamis souvent venus de l’Inde. L’autre est de tradition rurale, familiale ou propre à un quartier, issu de l’histoire des migrations des engagés (à partir de 1828). Le plus souvent, ils sont dédiés à Shiva ou à des divinités qui généralement nécessitent des cultes sacrificiels sanglants. Ils sont tenus par des Pûsaris. Le Pûsari est le maître des rituels. Il a appris son rôle auprès d’un gran-moun (ancien) qui peut être son père, un oncle ou un homme du quartier, eux-mêmes Pûsaris.

En février 2013, accompagné d’Isabelle Celestin, je rencontre pour la première fois Maximin Ayä Maryavan Babalatchimy. Ayä est Guru Deva, « spécialiste de la transe et du voyage entre les mondes, le monde des humains, des esprits, des forces de la nature » et des dieux. En d’autres lieux de ce monde, cette fonction prend l’appellation de shaman. L’entretien a duré plus de deux heures et nous étions tous les trois épuisés tant par le flot d’informations, de questions, que par la chaleur accablante de l’été austral Ayä présente son Kovil comme ceci : « Ici sont pratiqués les rites les plus anciens de l’hindouisme importés par nos ancêtres Indiens. Ces rites sont reconnus pour leur puissance et leur efficacité. » Ce Kovil est entièrement dédié à la guérison des maladies et au règlement des problèmes de toutes sortes. Ayä utilise l’astrologie tamoule assortie de nombreux rituels qui varient en fonction des problèmes à régler.

Mon propos ici est de présenter partiellement un rite de soin qui a lieu une fois par an. Son déroulement est éprouvant, commençant tôt le matin pour se finir tard dans l’après-midi. Ayä appelle ce rite le « spécial Maruts». Dans la mythologie des Vedas, les Maruts sont des esprits qui personnifient vents et orages. Ayä les décrits comme « des esprit hurleurs et secoueurs ». En 2013, Ayä a estimé qu’il était nécessaire de faire appel aux Maruts pour aider certaines personnes à régler des problèmes persistants. Rite de soin collectif, le spécial Maruts prolonge les entretiens individuels menés par Ayä avec la personne demandeuse d’aide.

Durant ces entretiens, le Pûsari établit un diagnostic du problème ou de la maladie de son consultant. Il en étudie les manifestations et dresse l’état de sa situation astrale. L’outil astrologique utilisé est issu des plus anciens savoirs tamouls.La carte astrale permet de voir sous quels hospices se trouve le consultant. En fonction de sa position dans le champ magnétique des planètes, sa situation est plus ou moins favorable. Traverser les champs magnétiques des planètes Saturne ou Pluton est problématique, tandis que celui de Vénus est plus aisé à supporter.

JEAN-CLAUDE LAVAUD
Docteur en Anthropologie Sociale de l'EHESS Paris. Auteur de roman et d'histoire pour enfants.
Formé à l'hypnose ericksonienne depuis 1996.
Hypnothérapeute-psychothérapeute en cabinet privé à Saint-Pierre de La Réunion depuis 2003.
Chargé de cours en Hypnose (DU hypnose clinique et Master II de psychologie clinique à l'Université de La Réunion).
Président du Collège d'Hypnose de l'Océan Indien (CHOI).


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Rédigé le 26/03/2015 modifié le 31/03/2015
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Dr Thierry SERVILLAT, Psychiatre, Ancien Président de la Confédération Francophone d'Hypnose et… En savoir plus sur cet auteur


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