Romans & Hypnose. L'Hypnose au Centre Hospitalier de Romans

L'hypnose a fait son entrée au Centre hospitalier de Romans en 2008 et nous donnons la parole aux différents professionnels concernés. Tout d'abord, la direction du Centre hospitalier à qui revient cette belle initiative, et soulignons-le, c'est peut-être la première fois qu'une directrice des soins, Madame Méjean, en l'occurrence, s'exprime sur ce type d'expérience dans une publication telle que la nôtre. La suite de cet article montrera comment la même approche hypnotique est reçue et mise en œuvre selon l'orientation professionnelle du soignant.

Par Chantal MEJEAN, Olivier DAENE, Jean-Pascal SAGOT, Céline MAZOYER, Estelle THIBAUDEAU



En tant que formateur, je voudrais apporter quelques mots de commentaire sur cette expérience. Au-delà de l'objectif évident des applications de l'hypnose dans le traitement de la douleur, j'ai observé des changements de nature différente.

Une sorte d'apprentissage parallèle et naturel. En effet, les participants sont réunis longuement, plusieurs jours de suite, et de ce fait sont amenés à se parler et à faire des exercices ensemble. Jusque-là, me direz-vous, rien de bien extraordinaire. C'est vrai.

La découverte tient à cette évidence : rencontrer les autres membres du personnel en dehors des contingences habituelles (normales ?) et établir des relations humaines voire professionnelles (ou inversement) que la structure hospitalière ne favorise pas ! Autrement dit, sortir du « cadre »…

Un gain inattendu ! De nouvelles perspectives s'ouvrent sur le sens de l'hospitalité... N'est-ce pas parler un langage de compréhension que de faire de l'hypnose ? L'aventure continue !

Dr Patrick Bellet

Le changement au Centre hospitalier de Romans-sur-Isère

Chantal Méjean, directrice des soins

Depuis 2001, le Comité de lutte contre la douleur des Hôpitaux Drôme Nord contribue à une amélioration de la prise en charge de la douleur. Instance dynamique, le Clud a perçu tout de suite la pratique de l’hypnose comme une réponse supplémentaire à proposer aux professionnels de santé.

Elle permet aux soignants de mener une réflexion sur la dimension relationnelle et psychologique dans la prise en charge de la douleur. C’est dans ce cadre que les Hôpitaux Drôme Nord ont mis en place une formation pluriannuelle menée par le Docteur Bellet, financée pour moitié par la Fondation Apicil qui œuvre beaucoup pour le développement des traitements non-médicamenteux de la douleur.

Depuis 2008, deux sessions se sont déjà déroulées et 54 personnes en sont « sorties » formées. Sans distinction de fonction, les équipes formées sont pluridisciplinaires : infirmiers, médecins, psychologues, puéricultrices, aides-soignants, infirmiers anesthésistes, masseurs-kinésithérapeutes et sages-femmes.

Les services qui utilisent l’hypnose ne cessent de se développer. En 2009, plus de 60 séances ont été réalisées dans le mois qui a suivi la formation. Angoisse, anxiété, troubles du sommeil, douleur… les motifs des séances sont nombreux et les résultats sont pour certains immédiats. Les patients font état d’un soulagement, d’une diminution de la douleur ou de leur peur.

Des résultats que les Hôpitaux Drôme Nord peuvent évaluer quotidiennement grâce à la création d’indicateurs et de fiches individuelles de suivis pour chaque patient. Pour le directeur des soins, Madame Méjean, l’hypnose est un acte qui valorise le soignant dans une démarche thérapeutique, qui lui apporte une qualification supplémentaire.

Par cette médiation qu’est l’hypnose, le soignant peut faire apparaître la part de l’invisible qui enrichit, officialise et nourrit ce qui fait la relation soignant/soigné. L’exercice de la fonction n’est plus, non plus, tout à fait la même. L’hypnose crée une attitude d’écoute, d’empathie transposable et mesurable dans les relations interpersonnelles et interprofessionnelles.

L’apprentissage de l’hypnose transforme la relation entre les personnels formés. Elle modifie le comportement des agents dans l’exercice professionnel, en toute situation de soin. La prise en charge d’une césarienne quand elle est dirigée par une sage-femme et un IADE formés à l’hypnose est différente.
L’ambiance, l’approche, le relationnel sont les preuves de cette transformation, davantage axée sur le respect de ce qui est fait par l’autre, pour l’autre et la complémentarité. Les équipes pluridisciplinaires ont pris du recul, s’obligeant ainsi à avoir un regard nouveau sur l’environnement du patient, à être attentif au bruit, à la couleur des murs, à la qualité de l’accueil ou de l’attente…

Quant au patient, le bénéfice direct est l’enrichissement de l’espace relationnel soignant/soigné. Il y apparaît plus d’humanité voire de complicité. Et si parfois cette situation peut interpeller, elle séduit plus qu’elle ne choque. L’attention qui lui est donnée lui permet d’être acteur de son propre soin.

L’hypnose basée sur la suggestion ne peut être efficace qu’avec le consentement du patient et sa participation. C’est une demande partagée, consensuelle, qui se veut être gagnant-gagnant. Pour le personnel soignant, c’est un épanouissement : il peut rentrer en relation, mobiliser des savoirs et des techniques, les manipuler de façon coordonnée.

Pour le patient, cette technique minimise les risques et diminue la douleur de l’acte de soin.

L’hypnose redonne un statut à cette part de l’invisible que l’on retrouve chez le soignant. On passe d’une relation humaine à une relation thérapeutique reposant sur un savoir théorique. Les Hôpitaux Drôme veulent inscrire cette activité dans la continuité.

Une nouvelle subvention a été demandée afin d’élargir encore un peu plus le personnel formé. Des actions à développer pour l’année 2011 ont été définies afin d’harmoniser, d’officialiser de manière pérenne la pratique de l’hypnose et d’afficher cet axe de développement dans le projet de soin, et on commence à voir émerger des prescriptions de séances d’hypnose post-opératoire en service de chirurgie.

Hypnose et soins infimiers

Olivier Daene, IADE

D’abord timidement, puis un peu plus gaillard. Des réussites… enthousiasmantes et encourageantes. Des échecs aussi… cuisants, déroutants. Et puis une « filière », un filon à exploiter : l’équipe douleur aiguë post-opératoire, où les IADE visitent les patients opérés afin d’évaluer et traiter l’éventuelle douleur post-opératoire.

L’hypnose s’est peu à peu imposée par sa simplicité, son efficacité, son succès. Douleur, anxiété, stress, différents sujets sont abordés à travers l’hypnose. De bénéfices en francs succès, c’est naturellement que les services appellent l’IADE formé à l’hypnose.

Succès aussi auprès des patients, bien sûr. La curiosité, la découverte les guident aisément vers une séance. Le bien-être, la détente, une profonde relaxation et le soulagement font de ces séances un outil remarquable. Au-delà des remerciements, c’est le bien-être qui est présent. Une fois la séance passée, les « Wouah, ça fait du bien ! », « Qu’est-ce que j’étais bien là-bas ! », ou « J’étais carrément ailleurs ! » montrent l’intérêt et l’efficacité de l’hypnose proposée en service de soin.

Pour la douleur, il faut être plus nuancé. Certes, le patient est opéré du genou, de la hanche, de la vésicule ou du colon, cependant la composante douleur est souvent multifactorielle.
Au-delà de la douleur physique post-opératoire, l’inconfort, l’alitement, la chaleur, la nausée, les mauvaises nouvelles, les problèmes familiaux, la logistique personnelle liée à l’hospitalisation, et parfois même des « paramètres » antérieurs à l’hospitalisation et qui sont complexes, viennent déclencher, renforcer ou rendre insupportable le phénomène douloureux.

Et c’est peut-être là qu’est la plus belle carte à jouer avec l’hypnose, que le soin prend ou reprend sa dimension humaine. Envisager le patient comme un être fait de chair, de sang et d’esprit, où l’esprit va jouer le rôle de tampon, de modérateur, et ainsi à l’instar des samouraïs exploiter les ressources de l’esprit pour « oublier », « supporter » la douleur physique.

L’imagination, les souvenirs, les images, les sensations, les voyages dans l’espace ou dans le temps sont autant d’outils d’une efficacité remarquable. En séance formelle au chevet du patient, dans sa chambre en toute simplicité, en toute intimité : les visiteurs se font discrets et s’éclipsent spontanément, tant le rendez-vous est attendu par le patient.

Un simple panneau « Séance d’hypnose en cours, merci de votre discrétion » suffit pour la quiétude des lieux. Quant au voisin de chambre, il vaque discrètement à ses occupations ou il ferme les yeux et profite de la séance de « groupe ». Une demi-heure à une heure s’écoule tranquillement, le temps de construire une séance complète et personnelle.

Pas plus de deux patients par jour car il y a le reste du travail à faire, notamment le compte rendu du travail. « Séance d’hypnose formelle 45 min., en chambre. Motif : douleur et anxiété. Effet positif et bénéfique : détente +++, douleur non ressentie pendant la séance et supportable après. EN (échelle numérique douleur) = 6 avant la séance, EN = 3 après. »

Ce sont des transmissions infirmières un peu anachroniques, mais qui font peu à peu partie du paysage des dossiers de soins infirmiers. Et puis… c’est bien un soin, avec un objectif, une action et un résultat.


En lire plus...

Rédigé le 05/11/2010 modifié le 05/11/2010
Lu 5407 fois



Dans la même rubrique :