L'Utilisation: pour diluer les résistances. Lilian Borges Zeig

Principe essentiel dans l’approche éricksonienne, l’utilisation est présentée ici de façon approfondie, de nombreux exemples cliniques illustrant la richesse du concept et son importance pratique fondamentale.



LILIAN BORGES ZEIG Master of Arts (MA), Licensed Professional Counselor (LPC). Pratique et enseigne la psychothérapie, l’hypnose éricksonienne et la thérapie brève depuis plus de 20 ans. Enseignante invitée à la Fondation Milton Erickson. Anime des séminaires en hypnose éricksonienne et thérapie conjugale sur un plan international. Pratique privée à Phœnix (Arizona) auprès de populations multiculturelles, particulièrement des couples.

Le Dr Milton H. Erickson a révolutionné la psychothérapie en y apportant de nombreuses innovations et une manière de la pratiquer différente de celle de son époque.
Une de ses grandes contributions a été ce que nous appelons l’Utilisation. Celle-ci a été la facette centrale des interventions du Dr Erickson, et nous pouvons dire qu’elle faisait aussi partie de son style de vie. Il n’est pas possible de comprendre la psychothérapie éricksonienne sans comprendre cet important concept.
L’Utilisation est la promptitude avec laquelle le thérapeute répond stratégiquement aux stimulations de l’environnement, du patient et de la situation thérapeutique afin d’arriver aux buts de la transe et de la thérapie. C’est une manière d’« explorer l’individualité du patient pour vérifier quels apprentissages, expériences et habiletés mentales sont disponibles pour combattre le problème et alors utiliser ses réponses personnelles internes uniques pour atteindre les objectifs thérapeutiques ». (Erickson & Rossi, 1979, p.1). C’est une manière de ne pas se laisser entraîner par la situation, mais au contraire de la prendre en main. « Le concept d’Utilisation implique que tous les aspects du client : son comportement, sa personnalité, ses relations et sa situation, sont potentiellement précieux et utiles pour rendre le patient capable d’acquérir des choix comportementaux plus gratifiants » (Erickson, 1980).

L’utilisation est beaucoup plus qu’une technique, c’est un principe qui guide le thérapeute dans ses interventions. Le thérapeute entre dans un « état de promptitude » dans lequel il répond positivement aux stimulations dans la situation thérapeutique : circonstances, symptômes, comportements du patient, etc. Pour que cela arrive, il faut que le thérapeute change les lunettes avec lesquelles il voit le patient, la situation thérapeutique, et son rôle de thérapeute. Il doit enlever les lunettes négatives qui cherchent des symptômes, des diagnostics et des étiquettes, et chercher à voir le côté positif de la situation, à la recherche de la santé. C’est là une interaction beaucoup plus bénigne avec le client, car le thérapeute voit le patient d’une manière salutaire. Le thérapeute est comme un détective qui cherche la fonction positive du symptôme, son intention positive, et qui voit comment le symptôme est une bénédiction et une opportunité.

TROIS MANIÈRES


L’utilisation est une technique courante des hypnothérapeutes que le Dr. Erickson a étendue à la pratique psychothérapeutique. Il y a trois manières que nous pouvons « utiliser » dans l’induction de transe :

a) L’incorporation :


Nous disons qu’il y a eu incorporation quand le thérapeute incorpore des choses différentes de la réalité et de la situation thérapeutique dans l’induction de transe. Si, au cours d’une induction de transe, quelqu’un frappe à la porte, je pourrais dire : « ... Et vous pouvez entendre les bruits de là dehors et continuer à être centré sur ce qui est important pour vous maintenant ». Si le téléphone sonne, le thérapeute peut dire : « Il y a quelque chose qui peut avoir un joli son à l’intérieur de vous-même ».
L’incorporation peut être métaphorique ou littérale, comme vous pouvez vous en rendre compte par ces exemples ; cela va dépendre de la culture, des métaphores et des expressions idiomatiques que le thérapeute peut utiliser de sa propre culture et des idiosyncrasies du patient lui-même. L’intention est de continuer le travail hypnotique et de faciliter le fait que le patient reste en transe. L’incorporation mime le fonctionnement de l’inconscient. Qui n’a pas eu l’expérience de rêver et d’entendre une cloche dans son rêve, et de se réveiller en se rendant compte que c’était le téléphone ou la sonnette de la porte ? L’inconscient avait incorporé le son de la son- nette, peut-être pour pouvoir continuer à dormir et rêver.
Nous pouvons incorporer différentes choses : le comportement du patient, des bruits ou des distractions du moment, des symptômes, le langage du patient, la résistance, etc. Si un client commence à rire au début de l’induction, nous pouvons dire : « Ce doit être bien bon d’entrer en transe en riant...Une expérience bien agréable...Observe bien comme ce rire t’aide à entrer en transe, car le rire t’aide à relâcher les tensions. ». On peut aussi demander au client de continuer à avoir un comportement indésirable, en l’exagérant, jusqu’au point où il n’y arrive plus ou veut faire autre chose. Souvent les personnes n’arrivent pas à arrêter un comportement, mais peuvent l’amplifier.
Vous aussi pouvez vous rendre compte que, de cette façon, il n’y a pas de résistance, il y a seulement utilisation. Quel que soit ce que le patient utilise pour éviter d’entrer en transe, cela peut être utilisé comme une manière d’induire celle-ci : tension, excès de pensées, préoccupations, rire, toux, ne pas fermer les yeux, etc. L’important est de permettre que le comportement se produise, pour ensuite donner des suggestions pour le changer. La règle de l’utilisation est : donner une permission pour ensuite en changer la direction.

b) L’attribution positive :


L’attribution positive ajoute une signification au comportement observé pendant l’induction de la transe, avec l’intention de maintenir le client en transe. Nous devons aussi garder présents les objectifs de la thérapie. Par exemple, dans une situation où le client commence à pleurer, nous pouvons dire : « Il y a toutes sortes de larmes : des larmes de joie, des larmes de rage, des larmes de soulagement. Et il y a des larmes qui lavent de vieilles blessures, qui cicatrisent peu à peu, en laissant seulement des marques de l’apprentissage que nous avons eu à partir des expériences vécues, des marques de sagesse, et tu peux percevoir comme les sentiments changent à mesure que les blessures cicatrisent, tu te rends compte des changements ? »
Dans la situation mentionnée ci-dessus, le thérapeute doit faire un choix thérapeutique : il peut demander au client ce qu’il lui arrive en le sortant de la transe, ou continuer le travail thérapeutique de la transe.




Hypnose & Thérapies Brèves: la Revue
N°28 : Février, Mars, Avril 2013

 
Edito : Et(h)iquettes ? Thierry Servillat


« HYPNOSE & Thérapies Brèves » présente ses meilleurs vœux de bonne année à ses lecteurs.
Evidemment, me direz-vous. A la revue, vous êtes polis !


Bon, d’accord, si vous le prenez comme ça, je vous propose une petite réflexion. HYPNOSE : que représente pour nous ce mot ? Une pratique que nous affectionnons et que nous trouvons utile ? Certainement ! Un simple mot auquel il convient de ne pas accorder (trop) de révérence impressionnée ? Sûrement !


Un mot qui nous relie, un « acteur réseau » ? Bien volontiers !
Une simple étiquette pour nommer nos pratiques que nous voulons sincèrement créatives ? Pas si sûr !


Et que dire des nouveaux termes qui fleurissent depuis 30 ans (et même un peu plus) pour désigner ces fameuses « thérapies brèves » dont la multiplicité peut à la fois nous stimuler et aussi nous décourager (nous ne pourrons jamais les apprendre toutes !) ?
« Je viens vous voir parce que vous pratiquez l’hypnose ». « Ah oui, cela m’arrive, mais pas toujours, pas seulement », ai-je l’habitude de répondre, soucieux de garder le plus possible ma liberté d’intervention, la marge de manœuvre chère au regretté Richard Fisch...

“L’utilisation. Pour diluer les résistances“ Lilian Borges Zeig.


Principe essentiel dans l’approche éricksonienne, l’utilisation est présentée ici de façon approfondie, de nombreux exemples cliniques illustrant la richesse du concept et son importance pratique fondamentale.

Le Dr Milton H. Erickson a révolutionné la psychothérapie en y apportant de nombreuses innovations et une manière de la pratiquer différente de celle de son époque. Une de ses grandes contributions a été ce que nous appelons l’Utilisation. Celle-ci a été la facette centrale des interventions du Dr Erickson, et nous pouvons dire qu’elle faisait aussi partie de son style de vie. Il n’est pas possible de comprendre la psychothérapie éricksonienne sans comprendre cet important concept.


“Hypnothérapie et « états du moi ». Tous en scène“ Luise Reddeman, Allemagne


Très pratiquées en Allemagne, la thérapie des « états du moi » peut utilement être combinée avec l’hypnose, ce que nous montre Luise Redemann, auteure très connue dans ce pays.
La psychothérapie est toujours associée au « drame de l’homme » - une expression de Fernando Pessoa - et nous prenons de plus en plus conscience que ce drame est entre autre l’expression de notre multiplicité intérieure, en particulier lorsqu’elle provient de traumatismes.


La thérapie psychodynamique imaginative des traumas, (en allemand : Psychodynamisch Imaginative Trauma Therapie, PITT), a été développée en Allemagne à partir des années 1980 comme traitement intégratif des personnes souffrant de séquelles souvent graves de traumatismes de l’enfance. PITT est imprégnée par la psychanalyse, mais également inspirée de nombreuses orientations et écoles psychothérapeutiques, en particulier l’hypnothérapie. A mes yeux, il est important de découvrir le point commun entre les différentes écoles thérapeutiques, et je considère utile de connaître et de citer les différences, c’est-à-dire de disposer de théories consistantes. Les théories sont des concepts utiles pouvant faire l’objet d’un consensus et ne sont pas des vérités.

“Colères de l’enfant. Approche narrative“ Hélène Darrié Magnin, France


Les apports des thérapies narratives font actuellement débat. Etant nées du travail thérapeutique avec l’enfant, il était logique qu’un outil essentiel de cette approche, l’externalisation, soit présenté dans un tel cadre.
Je vous propose de partager avec vous quelques expériences thérapeutiques sur le thème de l’externalisation. L’externalisation est une technique dont j’ai découvert le nom en faisant une formation sur les thérapies narratives.

Je l’utilise chez l’enfant depuis de nombreuses années, mais j’ai appris il y a un an (au cours d’une formation d’hypnose et thérapies brèves) qu’elle était issue des thérapies narratives. Faire le lien entre ces deux éléments a modifié et complété ma perception de cette technique.

“Perte puis profit. Face au sentiment de diminution“ Doris Suchecki, Argentine

INTRODUCTION
La perte de certaines capacités dans le corps humain fonctionne comme une détonation de l’existence. Une maladie qui limite, un accident qui mutile, un désastre, un viol, sont des faits qui prennent tout leur sens dans la narration de celui qui les subit.

Des questions surgissent : « Pourquoi moi ? » ; « Pourquoi maintenant ? » ; « Quelle sera la suite ? ». Ces questions réactualisent le sens de notre existence et l’incertitude à laquelle nous sommes confrontés. La douleur physique est un appel du corps, et la souffrance mentale est un cri de l’âme. Nous expérimentons une anxiété et une peur de la mort, un désordre, un rejet, une rage, une négation, une dépression, une humiliation, une mélancolie... et, finalement, une acceptation.

Un dialogue inhabituel. Cybernétique et émotions. Gregory Lambrette

Une des avancées importantes de l’approche stratégique brève concerne la prise en compte du travail avec les émotions. Gregory Lambrette situe cette évolution dans une perspective historique, pour nous emmener loin des conceptions pionnières initiales, sans pour autant s’en couper.


LIMINAIRES
Au même titre que les comportements et les cognitions, les émotions sont l’un des composants essentiels de nos interactions. Principalement déclenchées par nos croyances et notre perception de la réalité, les émotions influent sur nos agissements (ou non-agissements) et déterminent (ou empêchent) pour beaucoup nos réactions. On peut feindre de les ignorer et tenter de feinter avec elles en privilégiant la seule raison.


Hypnophilo : “Des logiques non ordinaires“ Dr Thierry Servillat


La logique est une partie de la philosophie, nous l’oublions trop souvent. A ce sujet, un des livres les plus récents (2008) de Giorgio Nardone, dont les éditions Satas viennent de publier la traduction française1, traite du changement en référence aux logiques non ordinaires.


Quelles sont ces logiques ? Elles sont bien éloignée de celles qu’affectionne – Wittgenstein excepté – notre philosophie occidentale dominée dans ce domaine par Platon, d’où son éloignement de la réalité que vivent nos patients.
G. Nardone s’intéresse à ces logiques, fidèle à sa conviction que psychologie et psychothérapie sont « la nouvelle philosophie appliquée », au sens que cette expression avait au siècle dernier.
L’être humain n’est pas rationnel. « Mû par ses émotions », il se comporte autrement que ce que lui dicte sa raison.
L’auteur, qui place la notion d’illusion au centre de sa réflexion sur la dépression, propose un nouveau concept, l’auto-tromperie, qui consiste à croire que nous contrôlons la réalité grâce à notre pensée

Quiprocquo, Malentendu et Incommunicabilité Dr Stefano COLOMBO

« C’est déjà ça ! »

- Ah ! Je vois dans vos yeux un regard plus brillant !
- C’est vrai ? Je n’ai bien dormi que cinq nuits cette semaine.
- C’est déjà ça !

- Bien ! Je vois que les fringales c’est fini. Vous avez perdu du poids ! Combien ?
- Que deux kilos, et encore.
- C’est déjà ça !

- Comment avez-vous fait pour diminuer le nombre de vos cigarettes ?
- Docteur ! Croyez-vous encore au père Noël ou vous moquez-vous de moi ? Je ne suis passé que de trente à vingt-quatre cigarettes par jour.
- C’est déjà ça !

- D’accord, d’accord ! Vous n’avez pas besoin de vous fâcher si j’ai pris sept minutes de retard sur le rendez-vous. Je vais les rattraper.
- C’est la moindre des choses.
- C’est déjà ça !


Hypnose et Cerveau. Antoine Bioy

Ce dernier trimestre 2012, un article a défrayé la chronique scientifique, à partir des recherches menées dans le laboratoire du talentueux Spiegel, à Harvard (Hoeft et al., 2012). Les auteurs semblent en effet prouver que l’hypnotisabilité ne serait pas un trait de personnalité, mais serait le produit de connexions neuronales spécifiques.

Pour ce faire, les auteurs s’intéressent aux différences entre 12 sujets faiblement hypnotisables et 12 sujets hautement hypnotisables (tous adultes), en partant à la recherche d’une signature neurologique qui les différencieraient. Ceci permettrait d’atteindre une vieille lune : construire des scripts cliniques adaptés aux profils psychologiques / cognitifs, et ici neurologiques, des patients.

Sur un plan général, cette étude confirme une nouvelle fois que l’état hypnotique n’est pas un “lâcher prise” comme cela est souvent dit, mais un modulateur des champs cognitifs et sensoriels. Roustang parlait d’un éveil paradoxal, les neurosciences continuent à lui donner raison.

Peinture: les 5 sens. Sophie Cohen

Chers lecteurs hypnothérapeutes, est-ce utile de préciser pourquoi ce genre de tableaux - car il s’agit bien d’un genre, j’aurai l’occasion d’y revenir un peu plus loin - a retenu mon attention ? Ne sommes-nous pas tous en permanence à « jouer », diagnostiquer et travailler avec poésie, avec les cinq sens : les nôtres et ceux de nos patients ?

Joyce Mills nous recommande d’établir un diagnostic en étudiant la façon dont le patient s’exprime sur les cinq sens, de sorte d’examiner où sont les blocages. Ou, dit autrement, de repérer les sens sur lesquels le patient se trouve en auto-hypnose négative. L’intervention du thérapeute visant à restaurer une auto-hypnose positive sur les sens qui seraient affectés, à remettre de la vie, de la fluidité là où il y a blocage.

Gaston Brosseau, lors de ses interventions, propose avec poésie et humour aux personnes qui viennent le consulter de « réinitialiser » leurs ressources sur les cinq sens1 de sorte d’être complètement présent, disponible à ce qui se passe ici et maintenant. Ce qui revient à dire que pour bénéficier de l’ensemble de nos ressources et pouvoir nous adapter aux situations de vies, il convient d’utiliser nos cinq sens qui nous donnent toutes les informations utiles. Et comme il dit lui- même, souvent à la fin de ses interventions, félicitant le patient du travail accompli : «C’est pas beau ça?».

Pourquoi représenter les cinq sens en peinture ?

ISH Congrès e Brême. Dr Elise LELARGE

Une ambiance totalement différente le lendemain avec Danie Beaulieu. Nous avons la chance de l’entendre en français cette fois. C’est reposant, avec l’accent québécois en prime.

Elle nous livre pendant les trois heures d’atelier une myriade de métaphores agies, d’outils « impactants », pour transformer les patients de l’état « tapis » à l’état « terreau » afin que nous puissions y semer les graines du changement.

Percutant est le mot qui résume l’ambiance. Personnage haut en couleur, souriante et joueuse, elle rayonne de plaisir. Elle cherche, dans les objets du quotidien du patient comme une pièce d’un euro ou un cahier d’écolier, des métaphores pour faire passer le message thérapeutique. Les suggestions post-hypnotiques seront présentes d’emblée par la fréquence à laquelle le patient va être naturellement confronté à l’objet.


Le siècle de la synthèse

Nous ne connaissons pas notre bonheur d’être initié à l’hypnose, la mère de toutes les psychothérapies. Nous ne pouvons que plaindre ceux qui, ne connaissant pas la chance d’avoir un outil thérapeutique athéorique aussi puissant, en sont encore à des batailles idéologiques de l’autre siècle. J’en donnerai trois exemples.

Il y a cette proposition de loi de pénaliser l’utilisation de la psychanalyse dans l’autisme. Or il me semble que s’il s’agît de dénoncer un défaut de soin adapté, ce n’est pas le pouvoir législatif mais le pouvoir judiciaire qui devrait trancher. Et s’il y a, à l’échelle de la pédopsychiatrie, le constat d’une persistance de modèles étiologiques archaïques, cela peut faire l’objet d’un programme de formation médicale continue prioritaire, qu’il est alors au pouvoir exécutif de faire financer.


Rédigé le 22/02/2013 modifié le 20/05/2020
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