Traitement sexofonctionnel de l’éjaculation prématurée. Accéder à une vie sexuelle épanouissante

écrit par François de Carufel pour la revue Sexualités Humaines



Nous allons voir comment, par une approche non médicamenteuse, ce trouble si fréquent peut être appréhendé, tout en conservant la vie érotique du couple...

Il existe aujourd’hui d’excellents traitements pour aider les couples à augmenter la durée de leurs activités sexuelles. Ces traitements peuvent être regroupés en deux catégories, à savoir les interventions pharmacologiques (crèmes anesthésiantes, antidépresseurs de la classe des ISRS et, plus récemment, certains analgésiques centraux) et les interventions à base d’apprentissage (programme de Masters et Johnson et thérapie sexofonctionnelle). Chacun de ces traitements possède ses avantages et ses inconvénients. Dans cet article, nous décrirons les caractéristiques de la thérapie sexofonctionnelle et nous verrons quelles en sont les applications.

Le traitement sexofonctionnel de l’éjaculation prématurée a été créé en 1986 au Département de sexologie de l’Université du Québec, à Montréal, par l’auteur de cet article à partir des principes de l’approche sexocorporelle énoncés par Desjardins . Ensuite, il a été expérimenté à l’intérieur de recherches doctorales conduites à l’Université du Québec, à Montréal , et à l’Université de Louvain-la-Neuve . Il fut aussi l’objet d’un roman sexo-informatif , de publications dans des revues scientifiques internationales et d’un livre .

Le traitement sexofonctionnel de l’éjaculation prématurée met l’accent sur le développement de la capacité de l’homme à gérer son excitation sexuelle. L’excitation sexuelle est – à part quelques cas anecdotiques d’anxiété extrême – la seule et unique cause de l’éjaculation, peu importe le moment où celle-ci a lieu. Lorsqu’un homme détient les connaissances et les habiletés nécessaires pour moduler le cours de son excitation, il peut conserver cette dernière à des niveaux inférieurs à celui qui déclenche le réflexe éjaculatoire et il devient alors capable de prolonger la durée de la pénétration. Ces connaissances et ces habiletés sont issues de la compréhension des réactions physiologiques qui se produisent à l’intérieur des différentes zones de la courbe de l’excitation sexuelle masculine et sont enseignées à l’intérieur du programme sexofonctionnel qui comporte douze séances.

LES ZONES DE LA COURBE DE L’EXCITATION SEXUELLE DE L’HOMME


Nous définissons l’excitation sexuelle comme étant une réaction neurologique qui apparaît suite à une stimulation sexuelle externe ou interne efficace. Elle est constituée d’une suite d’impulsions nerveuses provenant de la stimulation des terminaisons nerveuses d’organes cibles ainsi que de la mise en jeu (causée par une activation chimico-physiologique et une activité cognitive) de centres cérébraux spécifiques. Ces impulsions varient en quantité et en intensité et entraînent à leur tour des réactions physiologiques telles que l’érection du pénis, l’accroissement de la fréquence cardiaque, l’élévation de la pression artérielle, l’accroissement du rythme respiratoire ou l’augmentation de la tension musculaire. L’évolution de l’excitation sexuelle se transpose visuellement à l’aide d’une courbe où son intensité est portée en ordonnée et sa durée en abscisse.

Afin de récolter plus d’indices de la courbe de l’excitation sexuelle de l’homme, nous avons divisé celle-ci en quatre zones. Cette division est réalisée sur la base des réactions physiologiques qui se produisent au cours du cycle complet de la réponse sexuelle masculine. Nous allons débuter avec la description de la quatrième zone, celle de l’éjaculation, parce que c’est elle qui, de par sa nature réflexe, est à la source même de la difficulté à prolonger la durée de la pénétration.

La quatrième zone : la zone de l’éjaculation


L'éjaculation est assurée par l’action de centres cérébraux et spinaux formant un réseau hautement coordonné. Les systèmes nerveux sympathique, parasympathique et somatique, activés par les divers stimuli sexuels, agissent en synergie pour provoquer les phénomènes physiologiques de la réponse éjaculatoire. L’éjaculation comprend deux phases, à savoir la phase d’émission et la phase d’expulsion (Graphique 1). Ces deux phases sont réflexes et se déroulent en succession (Benson, 1988). Lorsque l’excitation sexuelle devient suffisamment élevée, elle déclenche le réflexe d’émission. Ce réflexe se manifeste par des contractions involontaires des organes accessoires de reproduction. Des influx nerveux sympathiques efférents produisent des contractions péristaltiques des muscles lisses de l’épididyme et du canal déférent, mettant ainsi en marche la progression des spermatozoïdes. Au même moment, les vésicules séminales ainsi que la prostate se contractent rythmiquement pour sécréter les fluides séminal et prostatique, lesquels s'associent aux spermatozoïdes et au mucus déjà versé par les glandes bulbo-urétrales. Les différentes composantes émises par ces organes forment le sperme qui s’accumule dans l’urètre prostatique au niveau du bulbe urétral. Ce dernier se dilate alors du double ou du triple .

Sur le plan subjectif, les hommes perçoivent un ensemble de sensations qu’ils décrivent de la sorte en langage populaire : « Ça y est », « Je le sens », « Ça vient », « C’est parti ». Il n’y a rien d’apparent (le sperme ne se fait pas encore expulsé hors du pénis), mais ils savent que l’éjaculation est déclenchée et qu’il est impossible de l’arrêter. Ils éprouvent une impression d’irrésistibilité appelée « inévitabilité éjaculatoire ». Cette impression est fondée parce que ces contractions, une fois déclenchées, ne peuvent plus être empêchées ou retardées. Elles sont réflexes et par conséquent inaccessibles à la volonté. Ceci se vérifie d’autant plus qu’elles sont le fait de canaux et de glandes sur lesquels l’homme n’a de contrôle volontaire en aucune circonstance.

Lorsque le bulbe urétral est assez distendu par l'accumulation du sperme, la phase d’expulsion débute. Il se produit alors un ensemble de contractions réflexes impliquant le bulbe urétral, les muscles ischio-caverneux, les muscles spongieux et les muscles du plancher pelvien. Le fluide séminal est alors propulsé de l’urètre prostatique dans l’urètre pénien, puis à l’extérieur du méat urinaire. Le sphincter de l’urètre, déjà contracté lors de la phase d’émission, empêche le sperme de se diriger vers la vessie et de causer une éjaculation rétrograde. Tout comme les contractions de la phase d’émission, celles de la phase d’expulsion sont réflexes et ne peuvent être régies par la volonté . Ces contractions, associées à celles de l’ensemble du corps, permettent de décharger les tensions physiologiques et émotionnelles sexuelles et s’avèrent une grande source de plaisir pour la majorité des hommes .

Graphique 1 – Exemple d’un cycle de réponse sexuelle se déroulant à l’intérieur des quatre zones de la courbe de l’excitation sexuelle de l’homme


La zone 1: la zone de l’apparition et de la disparition de l’érection. La zone 2 : la zone de la modulation de l’excitation sexuelle. La zone 3 : la zone de l’imminence éjaculatoire. La zone 4 : la zone de l’éjaculation (a : le réflexe d’émission ou point de non-retour ; b : le réflexe d’expulsion).

Le lecteur remarquera que nous avons enlevé la phase dite en « plateau » que Masters et Johnson avait incluse dans leur graphique représentant le cycle de la réponse sexuelle de l’homme. Nous avons procédé ainsi pour deux raisons. La première est que cette phase ne comporte pas de réactions physiologiques différentes – mais seulement plus intenses – de celles observées au cours de la phase précédente (excitation). La seconde est que le terme « plateau » décrit très mal un ensemble de réactions sujettes à de si grandes variations d’intensité. À mettre en bas de page

Les sexologues appellent « point de non-retour » le moment où l’homme atteint le niveau d’excitation (seuil) qui déclenche le réflexe d’émission. Cette expression très éloquente signifie que l’homme ne peut plus revenir à des niveaux plus bas d’excitation, ni éviter l’éjaculation ni, par conséquent, poursuivre la pénétration. L’excitation est trop élevée, le seuil du réflexe d’émission est atteint, l’éjaculation commence à se produire et son déroulement se poursuit jusqu’à la fin, peu importe ce qu’il tente de faire.

On retrouve dans la plupart des articles publiés dans des revues médicales et sexologiques l’affirmation que la difficulté à prolonger la durée de la pénétration est causée par un manque de contrôle sur le réflexe éjaculatoire. Cette conception est antinomique parce qu’un réflexe, par définition, ne peut être l’objet d'un contrôle volontaire. De plus, les structures anatomiques qui se contractent lors du premier réflexe (réflexe d’émission) sont des canaux (épididyme, canal déférent...) et des glandes (prostate, vésicules séminales...) sur lesquels l’homme ne peut d’aucune façon exercer un contrôle volontaire. Et lorsque le réflexe d’émission a lieu, le deuxième réflexe (réflexe d’expulsion) se produit et l’éjaculation est complétée ; l’érection est alors vouée à disparaître et la pénétration à se terminer. Peu importe les moyens utilisés, l’éjaculation ne peut être arrêtée lorsqu'elle est déclenchée.

En fait, la difficulté à prolonger la durée de la pénétration n'est pas due à un trouble de l’éjaculation. Elle est engendrée par une mauvaise gestion de l’excitation. Ce n’est pas l’éjaculation qui est en cause, c’est l’excitation. L’éjaculation est tout à fait normale ; sa physiologie est saine et ses processus se déroulent naturellement. Le problème provient de l’excitation qui atteint le seuil déclencheur du réflexe d’émission et entraîne l’éjaculation plus tôt que les individus ne le désirent.

Cette réalité vaut pour tous les individus, qu’ils soient dits « normaux » ou « éjaculateurs prématurés ». Personne n’a de contrôle sur son éjaculation, seulement sur son excitation. Si un homme souhaite prolonger la durée de la pénétration, il doit conserver son excitation en dessous du degré d’excitation qui déclenche le réflexe d’émission. Et ce, durant toute sa vie, dans toutes les circonstances et avec toutes les partenaires.

Avec la médicalisation actuelle de la sexologie, on observe chez certains scientifiques la tendance à surestimer l’importance du rôle des facteurs organiques dans l’avènement et le maintien des dysfonctions sexuelles. Par exemple, des chercheurs qualifient de dysfonction neurobiologique le fait d’éjaculer en moins d'une minute et 18 secondes après l’intromission du pénis à l’intérieur du vagin dans plus de 90 % des occasions, et ce depuis le début de la vie sexuelle. Ils appuient leur définition sur une pratique en médecine qui consiste à définir comme pathologiques les valeurs d’une condition situées en deçà d’un certain point de la distribution des valeurs de cette condition à l’intérieur d’une population donnée. Dans le cas de l’éjaculation prématurée, ces chercheurs ont établi la valeur d’inclusion/exclusion au centile 2.5 de la distribution du temps de latence éjaculatoire intravaginale (ou durée de pénétration) – mesurée à l’aide d’un chronomètre – de 489 hommes choisis de manière aléatoire à l’intérieur de cinq pays. La durée de pénétration médiane de cet échantillon s’élevait à 5 min. 27 sec. (étendue de 33 sec. à 44 min. 6 sec.) et le centile 2.5 à 1 min. 18 sec.

L’approche de ces chercheurs est séduisante et s’inscrit dans le cadre de la médecine fondée sur des preuves (evidence-based medicine). Toutefois, elle comporte une erreur méthodologique majeure. Pour comprendre cette erreur, il faut se rappeler qu’il n’existe pas de conditions pathologiques qui font éjaculer comme un rhume fait éternuer ou qu’une allergie entraîne des éruptions cutanées.

La seule cause de l’éjaculation est l’excitation sexuelle qui, lorsqu’elle devient suffisamment intense, déclenche le réflexe éjaculatoire. Si des pathologies, des traumatismes ou des facteurs génétiques concourent à la venue rapide de l’éjaculation, ils le font en lien avec l’excitation sexuelle, soit en précipitant sa montée, soit en abaissant le seuil du réflexe d’émission. Ce lien, s’il existe, ne s’établit pas uniquement au moment de l’intromission du pénis à l’intérieur du vagin, mais se manifeste dès que l’excitation apparaît, ce qui en général se produit dès le début des préliminaires ou même avant.

Par conséquent, ce n’est pas la durée de la période d’excitation coïtale (ou durée de pénétration ou temps de latence éjaculatoire intravaginale), mais la durée totale de la période d’excitation qui peut indiquer s’il y a des facteurs organiques qui participent à la venue de l’éjaculation lorsque l’excitation commence à s’élaborer. Il s’ensuit que si la phase d’excitation est toujours très courte (on n’a pas de données à ce sujet, mais on peut pour l’instant l’estimer à environ une minute) et que l’éjaculation a lieu rapidement sans égard aux types de stimulation (visuelle, manuelle, orale, vaginale, anale, fantasmatique) et aux types de tentatives de contrôle, on peut supposer la présence de facteurs organiques abaissant le seuil du réflexe éjaculatoire ou favorisant la montée très rapide de l’excitation vers l’éjaculation.

Par contre, si ce n’est que la période d’excitation durant le coït qui est brève et que celle-ci est précédée d’une période d’excitation d’une certaine longueur durant les préliminaires, on ne peut pas incriminer cette courte période d’excitation pendant la pénétration à des facteurs organiques, mais plutôt à une mauvaise gestion de l’excitation sexuelle. Cette gestion inadéquate est due à un manque de connaissances et de techniques ou, si l’homme possède ces connaissances et ces techniques, à une non-application de celles-ci due à une absence de motivation, à des problèmes psychologiques ou à des difficultés relationnelles.

La gestion de l’excitation sexuelle pourrait toutefois être plus difficile à effectuer pour certains que pour d’autres. En effet, les hommes qui possèdent un génotype LL sembleraient avoir une légère tendance à parvenir à l’éjaculation plus rapidement durant la pénétration que ceux ayant un génotype SS ou SL . On a également observé un taux de testostérone plus élevé, une tension artérielle pénienne plus haute et une prévalence de prostatite plus grande chez les hommes qui éjaculent tôt après le début de la pénétration.

Ces caractéristiques génétiques, hormonales, circulatoires et glandulaires – d’origine constitutive ou pathologique – ne seraient pas déterminantes lors d’activités simples comme la masturbation ou les préliminaires. Ceci est d’ailleurs confirmé par l’observation que la durée moyenne de la masturbation des hommes qui ne réussissent pas à prolonger la durée de la pénétration est la même que celle de ceux qui y parviennent. Les effets coercitifs – ou facilitateurs – de ces caractéristiques se feraient remarquer davantage durant la pénétration où les situations deviennent plus complexes et les habiletés requises pour gérer l’excitation plus difficiles à maîtriser.

Associées à un manque de connaissance et d’apprentissage, elles expliqueraient l’incapacité de plusieurs hommes à ne pas pouvoir moduler le cours de leur excitation sexuelle lors de la pénétration et à ne pas réussir à prolonger la durée de celle-ci. Cette hypothèse trouve un certain support dans la pratique clinique où l’on remarque que les traitements à base d’apprentissage ne donnent pas les mêmes résultats chez tous les patients (il existe évidemment d’autres facteurs qui influencent l’apprentissage tels que la motivation, l’intelligence, les traits de personnalité, les capacités motrices, le lien thérapeutique, la collaboration de la partenaire, etc.).

Les pénétrations répétées de moins d’une minute sont quand même révélatrices, sinon de l’influence prépondérante d’un désordre organique, tout au moins d’une incapacité chronique à gérer l’excitation sexuelle. En effet, notre expérience clinique nous a permis de dégager une constante. La plupart des hommes qui ne réussissent pas à prolonger la durée de la pénétration au-delà d’environ une minute ne possèdent pas les techniques ni les stratégies nécessaires pour influencer le parcours de leur excitation durant la pénétration. Celle-ci échappe à leur contrôle et les précipite malgré eux vers l’éjaculation.

Ceux qui peuvent prolonger la pénétration au-delà de plus ou moins deux minutes ont en général acquis des connaissances et des habiletés qui leur permettent de gérer leur excitation et de poursuivre leurs ébats beaucoup plus longtemps lorsqu’ils le désirent. Il existe une zone grise entre une et deux minutes où l’on rencontre des individus qui maîtrisent certains procédés, mais pas suffisamment, pour régir à leur guise l’évolution de leur excitation sexuelle.

Proposition de définitions

Ces constatations nous amènent à définir deux problématiques. La première, qu’on peut appeler éjaculation hâtive, désigne une condition objective. Il s’agit d’une éjaculation qui aurait constamment lieu peu de temps après le début de la phase d’excitation et dont l’avènement serait déterminé par des facteurs organiques (pathologiques, traumatiques ou constitutifs). Ces facteurs opéreraient en abaissant considérablement le seuil du réflexe d’émission (il n’y aurait plus d’espace pour la modulation de l’excitation sexuelle) ou en interagissant très fortement avec l’excitation sexuelle pour la faire monter rapidement vers le réflexe d’émission.

La seconde, l’éjaculation prématurée, signale une condition subjective. Nous la considérons comme étant une éjaculation qui se produit plus tôt que l’homme ou la femme ne le désire. Cette définition vaut peu importe la durée de la phase d’excitation (pendant les préliminaires et/ou durant la pénétration) qui précède l’éjaculation et peu importe les facteurs (sexuels, organiques, cognitifs, émotionnels, comportementaux ou relationnels) qui abaisseraient le seuil du réflexe d’émission ou qui faciliteraient la montée de l’excitation vers le réflexe d’émission.

Les cas d’éjaculation hâtive sont très rares – voire hypothétiques – et leur étude a été jusqu’à maintenant gênée du fait qu’on les ait assimilés à des cas d’éjaculation non désirée (prématurée) survenant tôt après le début de la pénétration. Nous ne possédons donc pas de données à leur sujet. L’expression « éjaculation prématurée », quant à elle, ne décrit pas une réalité en soi. Elle ne réfère pas à un phénomène objectif, observable et mesurable (comme le diabète, la dépression ou un trouble conjugal). Elle ne désigne pas une condition organique particulière ou une pathologie distinctive. Elle ne fait que souligner une relation entre un phénomène physiologique (éjaculation) et son moment d’apparition (qui a lieu plus tôt que souhaité).

Comme le terme « prématuré » est relatif, il s’ensuit qu’il n’existe pas de valeur absolue ou objective de l’éjaculation prématurée. Autrement dit, on ne peut pas traiter de « prématurée » une éjaculation qui se déroule en moins d’une, deux, cinq ou sept minutes de pénétration. On peut seulement dire qu’elle se déroule en moins d’une, deux, cinq ou sept minutes. Elle ne reçoit le qualificatif de « prématurée » que dans la mesure où elle se manifeste avant que l’un ou l’autre membre du couple ne le souhaite. Et c’est seulement à ce moment-là que l’on peut parler de dysfonction ou de difficulté sexuelle.

Cette observation est primordiale parce qu’elle dépathologise la réaction des personnes qui éjaculent tôt après le début de la pénétration, mais qui ne désirent pas qu’il en soit autrement. Elle est essentielle aussi parce qu’elle réhabilite les désirs et les frustrations des individus qui consultent pour une éjaculation se produisant, par exemple, après cinq, huit ou dix minutes de pénétration, mais qui aimeraient prolonger davantage la durée de celle-ci. Il existe maintenant des moyens très efficaces pour aider ces personnes qui éprouvent une insatisfaction réelle et il serait inapproprié de ne pas le faire sous prétexte qu’ils se situent au-delà d’une certaine norme*. D’un autre côté, il ne faut pas confondre ces requêtes d'un mieux-vivre érotique avec les demandes délirantes de certains patients psychiatriques ou les sollicitations de patients très performants mais en manque de points de repère au sujet de la « normalité ».

* Les gens ont le droit d’être insatisfaits de la durée de leurs activités sexuelles même si celles-ci perdurent davantage que celles de la majorité des gens. Il ne revient pas au professionnel de la santé de décider de la durée des activités sexuelles (en général, de la durée de la pénétration) dont les individus doivent être satisfaits ou insatisfaits. Devant les souhaits exprimés par ses patients, le sexologue sera amené (en se basant sur son jugement clinique, en prenant en considération la durée des activités sexuelles de ceux-ci et en tenant compte des données statistiques disponibles), soit à aider l’homme ou le couple à prolonger davantage la durée des ébats, soit à les rassurer en normalisant leur performance, soit à aider la femme ou le couple afin que celle-ci puisse obtenir plus de plaisir plus rapidement. A mettre en bas de page

La troisième zone : la zone de l’imminence éjaculatoire

La troisième zone – celle de l’imminence éjaculatoire – se situe juste en dessous de la zone de l’éjaculation (Graphique 1). A ce stade, une légère augmentation de l’excitation causée par un léger surplus de stimulation causera l’éjaculation.

La zone de l’imminence éjaculatoire est facilement identifiable. Lorsque l’homme entre dans cette zone, des réactions physiologiques précises se manifestent au niveau de ses organes génitaux et l’avertissent – pour peu qu’il leur porte attention – de la proximité du réflexe éjaculatoire. Les testicules se rapprochent davantage du corps, le pénis devient plus rigide et les muscles du périnée se contractent plus fort. Certains hommes ressentent des frissons le long de la hampe du pénis, d’autres ont l’impression que leur gland va exploser. Il revient à chaque individu d’identifier les sensations qui se produisent à ce moment dans ses organes génitaux et de réagir en conséquence.

Voyons maintenant la première zone. Nous présentons celle-ci avant la deuxième afin de faciliter la compréhension de cet exposé.

La première zone : la zone de l’apparition et de la disparition de l’érection

Tout stimulus (interne ou externe) perçu, codifié comme érotique et apprécié sensuellement, génère de l’excitation sexuelle qui à son tour entraîne des réactions sexuelles. Parmi ces réactions, on note des manifestations vasocongestives et une intensification de l’activité myotonique. La vasocongestion du pénis et la contraction des muscles du périnée entraînent l’érection chez l’homme. La zone de l’apparition et de la disparition de l’érection correspond aux moments où l’érection débute et se développe et à ceux où elle s’estompe et s’éteint (Graphique 1). A l’intérieur de cette zone, l’érection est plus ou moins ferme et procure un support limité aux hommes et aux femmes en quête de plaisir. Le niveau de la zone de l’apparition et de la disparition de l’éjaculation n’est pas fixe. Il varie en fonction des circonstances, de l’âge et de l’état de santé.

La deuxième zone : la zone de la modulation de l’excitation sexuelle


La zone de la modulation de l’excitation sexuelle commence lorsque l’érection est établie et se termine lors de l’entrée dans la zone de l’imminence éjaculatoire. C’est la meilleure zone pour contrôler l’excitation sexuelle. A l’intérieur de la zone de la modulation de l’excitation sexuelle, l’homme peut se tenir à une distance sécuritaire de la zone de l’éjaculation tout en maintenant son érection et en ayant du plaisir.

La zone de la modulation de l’excitation sexuelle présente énormément d’intérêt d’un point de vue érotologique. A l’intérieur de celle-ci, il est possible de vivre une grande variété d’émois sexuels et d’élans amoureux. Elle procure le temps et la liberté nécessaires pour exprimer de la tendresse, se montrer voluptueux, faire preuve d’affection, éprouver du désir, être excité, divulguer ses sentiments, avoir du plaisir, s’abandonner, laisser libre cours à sa fougue, arborer sa masculinité, se compléter, partager, s’aimer. Elle favorise la variété et l’expérimentation, la complicité et la découverte, l’échange et la rencontre. Le graphique 1 donne un exemple d’un cycle de réponse sexuelle complet où l’homme a modulé son excitation.

Chaque activité sexuelle suit le cours qui lui est propre et le tracé de l’excitation sexuelle varie d’une fois à l’autre. Il est même possible d’adjoindre à la courbe de l’excitation (qui est une réponse physiologique) la courbe du plaisir (qui est une réponse émotionnelle).

Quand l’homme vogue dans la zone de la modulation de l’excitation sexuelle, que cela soit durant les préliminaires ou la pénétration, il est primordial qu’il porte attention aux signaux lui indiquant que son excitation croît. Ces signaux se manifestent sous forme de réactions corporelles et émotionnelles. Ils incluent les modifications suivantes : élévation de la tension musculaire, accélération ou retenue de la respiration, augmentation de la vitesse et réduction de l’ampleur des mouvements du bassin, focalisation plus grande sur un stimulus sexuel particulier, exacerbation des sensations sexuelles, intensification du plaisir. Plus ces réactions s’accroissent, plus l’homme s’approche de l’éjaculation.


DESCRIPTION DU TRAITEMENT SEXOFONCTIONNEL

Comme l’éjaculation ne peut pas être contrôlée, mais que sa cause – l’excitation sexuelle – peut l’être, il s’avère essentiel pour l’homme d’apprendre à gérer le cours de son excitation afin de prolonger la durée de la pénétration. Le traitement sexofonctionnel offre deux grands types de moyens pour gérer le cours de l’excitation sexuelle et la conserver sous le niveau d’excitation qui déclenche l’éjaculation, c’est-à-dire sous le seuil du réflexe d’émission.

Le premier consiste à moduler la quantité et l’intensité de la stimulation que l’homme reçoit. En général, quand la stimulation augmente – qu’elle soit visuelle, tactile, sonore ou autre – et que l’homme l’apprécie, l’excitation s’élève. Lorsqu’elle diminue, l’excitation redescend. Cela ne signifie pas que l’homme doit éviter d’être touché ou qu’il doit penser à autre chose durant les relations sexuelles.

Cela veut simplement dire qu’il tirera avantage, tout en continuant d’interagir érotiquement avec sa partenaire, du fait de demeurer relativement conscient de son degré d’excitation et du fait de veiller à ne pas recevoir ou à ne pas se procurer lui-même (par la vitesse de ses mouvements de bassin, par exemple) une stimulation d’une intensité telle qu’il sera propulsé plus tôt que désiré vers l’éjaculation. De son côté, la femme peut porter attention aux réactions corporelles de son partenaire et réduire l’intensité des échanges quand cela s’avère nécessaire. Et les deux conjoints ont tout intérêt à se rappeler que le réflexe éjaculatoire impose des limites à l’expression sexuelle du couple.

Le deuxième type de moyens porte sur l’inversion des réactions physiologiques causées par l’excitation sexuelle. De ces réactions physiologiques, seules la respiration et la myotonie (tension musculaire) sont accessibles à la volonté. Le rythme cardiaque, la pression artérielle, la sudation et la vasocongestion ne peuvent faire l’objet d’aucun contrôle volontaire. Quand un homme devient excité, ses muscles se contractent tandis que sa respiration s’accélère et devient plus thoracique. Ces réactions sont saines et normales. Elles sont causées par l’excitation sexuelle et, à leur tour, elles permettent à cette dernière de s’intensifier. Pour que l’éjaculation ait lieu, il est nécessaire que la tension musculaire créée par l’excitation s’accroisse. En corollaire, il est quasiment impossible d’éjaculer si le corps est totalement détendu.

Afin de pouvoir gérer le cours de son excitation, il est très important que l’homme connaisse les réactions corporelles ayant lieu à l’intérieur de chaque zone de la courbe de l’excitation sexuelle masculine. Durant les relations sexuelles, il doit prendre conscience de ces réactions puis les inverser, c’est-à-dire réduire l’intensité des contractions musculaires de même que ralentir le rythme de sa respiration et faire revenir celle-ci au niveau de l’abdomen.

D’un autre côté, pour empêcher son excitation de progresser trop rapidement, il doit mouvoir son corps de manière appropriée en dissociant le bassin du torse et en utilisant le minimum de groupes musculaires (par exemple, en évitant de contracter les muscles fessiers lors de la rétroversion du bassin ou en adoptant des positions peu exigeantes sur le plan musculaire). En résumé, l’excitation sexuelle génère des contractions musculaires et fait se hausser et s’accélérer la respiration. Le relâchement de ces contractions, l’isolation du mouvement du bassin et le retour à une respiration lente et profonde fait diminuer l’excitation et la maintient à des degrés d’intensité inférieurs à celui qui déclenche le réflexe d’émission.


Rédigé le 31/05/2011 modifié le 27/12/2023
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- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur


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