Prévention : Dépression du Post-Partum. Approche Hypnose Ericksonienne par Armelle Tourayot

Traitement du Post-Partum par Armelle Tourayot Sage-Femme Hypnothérapeute sur Toulouse



J’ai rédigé des articles , écrit un livre , sur ma pratique de la préparation à la naissance par l’hypnose éricksonienne orientée solution. J’ai élaboré cette préparation en m’inspirant des déceptions, frustrations et autres désagréments dont se plaignent les femmes suite à leur maternité, souvent générateurs de déprime quand ce n’est pas de dépression. La prévention de la DPP fut le sujet de ma thèse soutenue à Mexico dans le cadre d’un master de thérapies éricksoniennes. Autant dire que le sujet m’intéresse. En vue du congrès consacré à la dépression qui a eu lieu à Saint-Malo, en septembre 2010, j’ai réalisé l’année précédente une modeste étude auprès de mes patientes, ce qui m’a permis d’évaluer l’importance que j’accorde à sa prévention et l’efficacité de certains de mes outils.

Je vais vous entretenir de la DPP, telle que je la considère dans ma pratique, c’est-à-dire surtout sous l’angle de la prévention. Je vais extraire de quelques définitions et de diverses études émanant d’équipes françaises et canadiennes, les facteurs en jeu dans cette DPP, et surtout des facteurs prédictifs de cette DPP. Et au fur et à mesure, je vous dirai comment je traite, selon une approche éricksonienne, ces différentes composantes, déjà pendant la grossesse, puisque je m’attache avant tout à faire de la prévention et à minimiser les facteurs de risque.

Quelques définitions : le baby blues (BB), le baby pink, l’anxiété du post-partum et la dépression du post-partum (DPP)


DEFINITIONS

- Baby blues :

Commençons par le BB du post-partum. C’est le trouble de l’humeur périnatal le plus courant qui toucherait entre 30 à 75 % des femmes. C’est une sorte de cafard qui survient dans les heures ou les jours suivant l’accouchement et qui atteint son intensité maximale le troisième ou quatrième jour. Généralement, les femmes atteintes sont des mères heureuses qui réagissent de façon plus « émotive » aux stimuli. Elles peuvent rapidement passer de la joie aux larmes, se montrer inquiètes, irritables, anxieuses, avec parfois des troubles du sommeil et de l’appétit. Les symptômes ne durent que quelques jours et se résorbent habituellement au bout d’une semaine. Cet épisode ne nécessite habituellement pas de traitement. C’est essentiellement de soutien, de réconfort dont ont besoin ces mamans et surtout de se sentir comprises ; et c’est l’une des plaintes principales de ces jeunes mères, de ne pas se sentir comprises.
Selon certains chercheurs, ces comportements peuvent résulter des rapides changements hormonaux qui s’opèrent chez ces femmes. Mais la très grande majorité de mes patientes décrit un même genre de « baby blues » aux 1er et 2e trimestres. La grossesse est une période de grands chamboulements hormonaux. En commençant par une flambée de progestérone, d’œstrogène, d’hormone lactogène placentaire, et de prolactine pendant la grossesse, puis celle d’ocytocine, d’endomorphines et d’adrénaline lors de l’accouchement, puis un effondrement plus ou moins brutal de la plupart d’entre elles, en un retour à la normale plusieurs mois plus tard selon que la mère allaite ou non son petit. Il y a de quoi se « sentir » déstabilisée, et donc un tant soit peu anxieuse, avant, pendant et après l’accouchement. Et ce déjà simplement sous l’angle hormonal ; pour peu que la femme connaisse déjà quelque dérèglement de son système endocrinien (hypothyroïdie, diabète…) et soit prévenue avant toute grossesse que « ça risque de se dérégler davantage si vous êtes un jour enceinte… si vous êtes… ».
Mais considérons aussi le contexte médicalisé qui présente l’avantage de la sécurité médicale et l’inconvénient implicite d’aborder cette expérience naturelle de la vie sous l’angle des risques, dans un contexte de grands changements conjugaux, familiaux, des remises en cause dans le travail, des déménagements, des difficultés financières, et la nécessité de faire des prévisions pour l’avenir (pour ne pas parler de provisions).
Ce BB est « anodin » mais très important à prendre en considération, qu’il se produise pendant la grossesse (peu d’études sur le sujet) ou après l’accouchement ; car il semble que jusqu’à 20 % des mères atteintes d’un BB vont développer une dépression majeure au cours de la première année suivant la naissance du bébé. Cela peut se produire à la suite de l’aggravation des symptômes du « baby blues », soit plus tard, après que la mère s’est remise de son blues. Il est donc important pour le sujet qui nous préoccupe, la DPP, de s’intéresser à ce BB ; qui peut prendre une autre forme :

« Baby pink » ou euphorie du post-partum

Certaines femmes se sentent légèrement euphoriques après la naissance de leur bébé. Cet état, le « baby pink », peut durer de quelques heures à quelques jours (Glover et coll., 1994). Tout comme le « baby blues », il n’a pas besoin d’être traité et peut même passer inaperçu car on trouve plutôt « normale » cette réaction à la naissance d’un enfant.
Anxiété du post-partum
Sur le plan clinique, l’anxiété qui se déclare après un accouchement n’est pas différente de celle qui survient à tout autre moment de la vie. Selon les études (rares), entre 4 et 15 % des femmes éprouveraient de l’anxiété après la naissance de leur bébé (Wenzel et coll., 2003 ; Matthey et coll., 2003 ; Heron et coll., 2004).
Certaines femmes sont anxieuses uniquement durant la grossesse ou après l’accouchement, tandis que d’autres le sont avant et après la naissance du bébé. Dans le cadre d’une récente étude britannique d’envergure auprès de 8 323 femmes enceintes (Heron et coll. 2004), il a été observé que 7,3 % d’entre elles avaient indiqué souffrir d’un haut niveau d’anxiété durant leur grossesse. « Parmi ces dernières, 1,4 % ont éprouvé une anxiété marquée dans les huit semaines suivant l’accouchement. Parmi les femmes qui ne se disaient pas très anxieuses durant la grossesse, 2,4 % ont dit éprouver une très grande anxiété post-partum. »
Bien des mères se sentent anxieuses, dépassées et même effrayées à la suite de la naissance de leur bébé. On peut le comprendre étant donné les changements qu’entraîne le rôle de nouveau parent, et les doutes quant à leurs compétences à l’exercer. Dans certains cas toutefois, l’anxiété est telle qu’elle nuit à la vie quotidienne de la mère et a des répercussions sur son caractère et son mode de fonctionnement, et par conséquent sur l’ambiance dans le foyer.





DPP :

Une méta-analyse de 59 études menées auprès de plus de 12 000 femmes a révélé que la DPP touche en moyenne 13 % des femmes (O’Hara et Swain, 1996). Pour les cliniciens et les chercheurs, le terme « dépression du post-partum » ou « DPP » fait référence à une dépression non psychotique qui survient peu après un accouchement. Les symptômes de la DPP se manifestent rapidement, souvent dans les 48 à 72 heures suivant la naissance du bébé, et la plupart des cas se déclarent dans les deux premières semaines de la période post-partum. Elle peut évoluer en psychose puerpérale qui est la forme la plus grave et la plus rare de troubles de l’humeur en post-partum, et survient dans un ou deux cas par 1 000 accouchements. Selon certaines études (par ex. Jones et Craddock, 2001), la psychose du post-partum aurait une cause génétique ou biologique et serait plus courante chez les femmes ayant reçu un diagnostic de trouble bipolaire (ce qui implique qu’elles sont suivies) ou ayant des antécédents familiaux de troubles de l’humeur (pas détectés si on ne les cherche pas).

La DPP ne se distingue en rien sur le plan clinique d’un épisode dépressif pouvant se produire à n’importe quel autre moment de la vie d’une femme. Les symptômes sont les mêmes que ceux d’une dépression généralisée, et le diagnostic est établi selon les mêmes critères. Bien sûr, les symptômes de la DPP portent sur des éléments relatifs à la maternité.

La définition de la période post-partum varie. Selon les systèmes officiels de classification des diagnostics, il s’agit de la période de 28 jours suivant immédiatement l’accouchement ; dans d’autres études, toutefois, cette période se prolonge jusqu’à un an après la naissance du bébé. Les symptômes se manifestent habituellement durant les quatre premières semaines du post-partum, mais ils peuvent apparaître dans l’année qui suit, et le diagnostic en sera d’autant retardé, quand l’interrogatoire d’une mère dépressive révèle que les symptômes se sont manifestés beaucoup plus tôt. Les symptômes sont :
- l’anxiété ;
- l’anhédonisme : les femmes atteintes de DPP peuvent ne plus s’intéresser ou ne plus prendre plaisir à des activités qu’elles trouvaient auparavant agréables ;
- un changement sur le plan du poids et de l’appétit ; mais c’est un élément difficile à évaluer après un accouchement. Le manque d’appétit est plus significatif ;
- troubles du sommeil : difficiles à évaluer chez les nouvelles mamans. On peut interroger la mère sur sa capacité à dormir et à se reposer quand elle en a l’occasion – par exemple, en même temps que le bébé, ou quand quelqu’un d’autre surveille le bébé ;
- fatigue : également difficile à évaluer chez les nouvelles mères. La fatigue associée à la dépression se définit comme un sentiment accablant d’épuisement ;
- lenteur ou agitation psychomotrice : soit une sorte de torpeur ou au contraire un sentiment de nervosité et d’irascibilité. On peut faire confiance à l’entourage pour faire des commentaires à ce sujet ;
- sentiment excessif de culpabilité ou d’inutilité : la moindre régurgitation du bébé sera de leur faute et s’il survient le décès d’un proche, elles en concluront vite qu’« une vie s’en va pour laisser la place à la nouvelle » ;
- diminution de la concentration, incapacité d’avoir les idées claires : ralentissement de la pensée, incapacité à se concentrer sur une tâche ou à terminer un travail, ou une difficulté à prendre des décisions simples, l’impression d’être submergée de travail…
- pensées morbides ou suicidaires récurrentes : bien souvent, ces femmes n’expriment pas leur peur de mourir mais leur préoccupation face à la mort, la plupart du temps sans en parler ouvertement, mais au travers de propos pessimistes sur la vie et le monde, ou de pensées violentes. Ces pensées peuvent devenir une obsession, mais la plupart des femmes ne passent pas aux actes. La médiatisation actuelle des cas d’infanticide et de suicide contribuent aujourd’hui à amplifier l’anxiété de certaines mères confrontées à ses pensées.

La durée d’un épisode va de quelques semaines à quelques mois. Pour certaines femmes, cela peut prendre jusqu’à un an avant de se sentir comme avant. Dans de rares cas, la maladie persiste sous forme chronique.

Les mères atteintes ont une réticence à parler des symptômes, à admettre qu’elles ont des symptômes de dépression, et ce pour toutes sortes de raisons. Elles peuvent se sentir inaptes à assumer leur rôle de mère, éprouver de la gêne, de la culpabilité ou du ressentiment, craindre de se faire étiqueter de « malade mentale », ou penser qu’on ne les prendra pas au sérieux. Elles parlent de leur dépression d’une manière détournée en disant se sentir découragées, tristes, irritables, nerveuses, molles ou vides. D’autres l’exprimeront au travers de symptômes d’ordre physique, comme des maux de tête, de ventre ou de dos ; d’autres encore en manifestant une inquiétude exagérée pour la santé de leur bébé les amenant à consulter fréquemment le médecin.

L’une des conséquences graves de la DPP est sa répercussion sur l’enfant. Plusieurs études concluent que la DPP de la mère influence différents aspects du développement de l’enfant (J. Manzano, M. Righetti, E. Conne-Perreard, Psychopathologie du post-partum : signes prédictifs et facteurs de risque. Berne : Recherche du Fonds national de la recherche scientifique ; 1995). « En conclusion, nous pensons que les études empiriques confirment surtout ce que les cliniciens ont toujours unanimement signalé (Lebovici), à savoir que la présence de parents dépressifs est un facteur important de risque psychopathologique pour les enfants. Cette psychopathologie comprend en particulier, mais pas exclusivement, la dépression chez l’enfant. Ces données nous semblent suffisamment solides pour pouvoir préconiser que chaque fois qu’un parent reçoit un diagnostic de trouble dépressif important, le traitement devrait nécessairement comprendre une intervention préventive auprès des enfants. » Philippe Mazet a montré que la DPP pouvait être à l’origine de troubles de l’attachement .

Causes

Bien que les professionnels de la santé ne sachent pas ce qui amène la dépression (et donc la DPP), ils sont d’accord pour dire qu’il n’existe pas de cause unique. Des facteurs physiques, hormonaux, sociaux, psychologiques et affectifs peuvent tous jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie. C’est ce que l’on nomme le modèle biopsychosocial de la dépression, qui est accepté par la plupart des chercheurs et cliniciens. Le ou les facteurs qui déclenchent la DPP varient selon la personne.
Il est important d’écarter d’autres troubles médicaux présentant des symptômes similaires et pouvant apparaître durant la période post-partum (dysfonctionnement de la thyroïde, diabète, anémie).


Facteurs prédictifs de DPP

Des facteurs à risque de la DPP ont été mis en évidence par diverses études : les antécédents, le stress, le soutien de l’environnement. Dans d’autres études, il a été également tenu compte de facteurs psychosomatiques .

Antécédents : le fait d’avoir vécu un épisode de dépression à n’importe quel moment de la vie augmente le risque de récidive. Le risque de souffrir d’un autre épisode de dépression du post-partum peut atteindre 40 % et, dans environ 24 % des cas de récidive, la maladie survient dans les deux semaines après la naissance du bébé (Wisner et coll., 2004).

Les éléments de stress :
Le lien entre des facteurs de stress et le développement d’une dépression postnatale a été étudié pour la première fois en 1980 (Paykel et al., 1980). « Il existe une association statistiquement significative entre des événements antérieurs négatifs (cotés par les sujets eux-mêmes comme ayant un impact de modéré à sévère) et les symptômes dépressifs en postpartum. Ainsi, 60 % de ces femmes déprimées rapportaient rétrospectivement la survenue d’un événement indésirable dans les onze mois précédents (par opposition à 35 % des non déprimées). De plus, l’impact de cet événement avait été coté comme étant de sévère à modéré chez 75 % d’entre elles (par opposition à 31 % chez les femmes non déprimées). » La majorité des travaux faisant suite à l’étude pionnière de Paykel et al. (1980) ont confirmé cette association entre des événements de vie stressants survenant durant la grossesse ou le postpartum, et un risque plus élevé de développer une dépression postnatale (O’Hara, 1986 ; O’Hara et al., 1991 ; Playfair et Gowers, 1981 ; Whiffen, 1988). D’où l’importance de les repérer.

Soutien de l’environnement :
Les chercheurs en périnatalité ont accordé une attention particulière aux relations interpersonnelles des femmes. Deux aspects principaux de ces relations ont été étudiés : le soutien social et la relation conjugale, tels que perçus par la femme, la relation conjugale ayant fait davantage l’objet d’études que le soutien social.
Les études sur la dépression postnatale ont évalué diverses facettes du soutien social : ampleur du réseau social, aide matérielle, soutien émotionnel, etc. Au moins trois études prospectives ont mis en évidence que le manque de soutien social évalué pendant la grossesse prédisait la dépression postnatale (Collins et al., 1993 ; Cutrona, 1984 ; Cutrona et Troutman, 1986).
Dans l’ensemble, les résultats suggèrent une association significative entre une relation conjugale ou un soutien du conjoint insatisfaisants ou absents et la dépression postnatale. Cette association se révèle significative non seulement lorsque la relation maritale ou le soutien du conjoint sont évalués en postpartum (Cox et al., 1982 ; O’Hara et al., 1983 ; Paykel et al., 1980 ; Uddenberg, 1974 ; Wandersman et al., 1980), mais également lorsqu’ils sont mesurés pendant la grossesse (Boyce et al, 1991 ; Collins et al., 1993 ; Kumar et Robson 1984 ; O’Hara 1986 ; Watson et al., 1984 ; Whiffen, 1988).

Facteurs psychosomatiques : niveau d’instruction, longue période de nausées, gain de poids, troubles émotionnels antérieurs, symptomatologie dépressive, difficulté à réaliser la grossesse, importance d’être parent, intention prénatale d’allaiter

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TOUYAROT Armelle

Auteur du Guide d'auto-préparation à l'accouchement par hypnose

Rédigé le 18/05/2011 modifié le 02/06/2012
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