Les attentes différentes dans le couple.

L’impact sur la rencontre
« Le plus grand obstacle à la vie est l’attente, qui espère demain et néglige aujourd’hui. »



Arrêtons-nous quelques secondes sur cette pensée de Sénèque. Ne s’adapte-t-elle pas parfaitement à la vie de couple ?
Si l’attente a cela de particulier d’être tournée vers l’autre, elle s’enracine dans le vécu de chacun des membres du couple et elle colore, parfois sans nuances, à la fois la rencontre dans son immédiateté, dans un espace-temps fondateur, mais aussi dans ce qu’elle a de plus profond, la rencontre constructive entre deux êtres.

Ce travail propose trois voies de réflexion :

Tout d’abord une phénoménologie de l’attente qui va s’appuyer sur la question des orientations de l’attente : attendre quoi, pourquoi attendre, quels sont les différents types d’attentes et quelle en est la nature pour l’individu ?

Nous aborderons ensuite la mécanique des attentes dans le couple en distinguant les attentes conscientes dans le rapport à l’attention à l’autre et les attentes inconscientes à partir de la question des alliances. Nous nous interrogerons sur la question de la différence.

Enfin, nous verrons comment ces attentes ont à la fois un impact sur le moment particulier de la rencontre, mais aussi sur la vie du couple dans une construction pérenne et les matériaux issus des attentes qui permettent cette construction.

Il sera mis en évidence la nécessité pour le thérapeute d’évaluer ces attentes.

1 - Phénoménologie de l’attente

Sens

Dans son sens premier, l’attente est une action où l’accent est mis sur l’écart temporel qui sépare le moment où un sujet est dans un lieu et l’arrivée de quelqu’un ou quelque chose.
Le facteur temps est donc essentiel en particulier en tant que suspension.

Dans un sens second, c’est l’action de compter sur quelque chose ou quelqu’un qui se dégage, mettant en valeur la relation.

Plusieurs corollaires de l’attente se dégagent ainsi et interagissent : l’espoir qui la nourrit, la déception, l’incertitude, le doute, l’impatience, et sous-jacente et plus ou moins consciente, la poussée du désir. Elle peut être passive voire vaine, contraire à la raison, mais aussi active si on considère comme Mounier , qu’elle est un « arrêt de la conscience » où la pensée reste en rapport avec l’action en tant qu’intermédiaire actif.

L’attente peut aussi avoir plusieurs tonalités émotionelles : anxieuse, désespérée, dévorante, exaspérante, fébrile, résignée, mais aussi merveilleuse, nostalgique, passionnée… On peut aussi la tromper…

Sous toutes ses formes, elle appelle une réponse, elle demande à être comblée. Elle se décline en file mais aussi en phase et en délai, et enfin, celle que vous connaissez bien, en salle. Les chirurgiens reconnaîtront la ligature d’attente et les architectes la pierre d’attente. Ces deux-là sont particulièrement intéressantes pour nous en ce qu’elles évoquent et appellent le complément qui permettra d’achever le travail, par exemple pour la pierre d’attente, appui du mur à construire ultérieurement.

Pour ce qui est du couple, les attentes ont différents visages et elles forment le maillage sous-jacent à la rencontre :
- Nous nommerons les attentes dites évidentes : physique, âge, traits de caractères, niveau intellectuel, goûts, passions… en un mot tout ce qu’on peut trouver sur le listing de n’importe quel site de rencontre.
- Viennent ensuite les attentes concernant les conduites : elles conditionnent souvent les rôles dans le couple en s’appuyant sur des modèles, par exemple sur le modèle (ou le contre-modèle) parental.
- Les attentes au niveau des valeurs.
- Celles qui ont à voir avec le modèle et l’avenir du couple : la question de la liberté, l’engagement, le mariage…
- Les attentes affectives et sexuelles et leur priorité respective qui met en évidence la place de la tendresse et de la pulsion.
- Les attentes au niveau des comportements et activités purement sexuels pour soi-même et pour le couple.

A titre d’exemple, et pour ce qui concerne le lien entre les attentes positives et les réactions sexuelles, l’étude de Wilson (1978) confirme leur rôle déterminant. Dans cette étude, on a pu constater que des hommes à qui on avait fait croire qu’ils avaient consommé de l’alcool montraient une plus grande réactivité sexuelle à des stimuli que ceux croyant avoir bu du soda non alcoolisé. Ainsi les attentes de ces hommes manipulés artificiellement ont pu influencer l’activation sexuelle soit par la croyance que l’absorption d’alcool a un effet désinhibiteur en réduisant l’anxiété, soit que l’intensité de l’attente facilite la perception sensorielle.

Ainsi la nature des attentes dans le couple s’appuie pour beaucoup sur des croyances plus ou moins conscientes mais souvent bien ancrées.

Pour continuer sur les théories psychologiques de l’attente, citons les travaux de Tolman qui déjà, en 1930, défend l’idée du médiateur entre le stimulus et la réponse en introduisant dans la pensée béhavioriste pure et dure le « concept d’attente » (expectation), affirmant ainsi le rôle prépondérant de la cognition donnant naissance à la Théorie Sociale Cognitive, dont les trois principes de bases sont :

- la conséquence de la réponse (récompense ou punition) influence la probabilité de la reproduction de même comportement (concept purement béhavioriste), mais en plus ;

- les êtres humains apprennent par observation et imitation mais il peuvent aussi apprendre en participant personnellement à cet apprentissage ;

- enfin, cette observation est liée à une identification qui se fait en fonction de l’évaluation du niveau de similarité entre les deux personnes mais aussi en fonction du niveau d’attachement.
Bandura précisera encore cette théorie en y ajoutant les notions d’apprentissage vicariant, mais surtout de « dynamique triadique » dans une série d’interactions entre facteurs personnels, comportement et environnement dans un processus bidirectionnel :

- Interactions entre individu et comportement : les attentes d’une personne façonneront et dirigeront le comportement, qui activé affectera par la suite pensées et émotions.

- Interactions entre environnement et caractéristiques personnelles : les attentes (ainsi que les croyances et les compétences cognitives) sont développées et modifiées par les influences sociales et les structures physiques de l’environnement.

- Interactions entre le comportement et environnement. Les individus agissent non seulement sur leur environnement mais en sont les produits.

Cinq capacités fondamentales vont alors caractériser l’individu dans ses comportements et en particulier dans ses attentes :
- La capacité symbolique : les images mentales, les représentations, les mots permettent de donner du sens et de la continuité aux comportements en élaborant des processus de résolution de problèmes.

- La capacité vicariante qui fait référence à l’habileté à apprendre à partir de l’observation, apprentissage régulé lui-même par quatre processus, l’attention, la rétention, la reproduction et la motivation.
- La capacité de prévoyance qui fait référence à la capacité que peut avoir un individu à se motiver et à guider ses actions par anticipation des résultats, l’attente qui fait référence à l’évaluation des conséquences avec capacité de régulation.

- La capacité d’autorégulation, contrôle des standards sociaux et moraux de l’individu fortement lié au niveau de motivation qui est lui-même déterminé par trois facteurs fondamentaux : le sentiment d’auto-efficacité, la capacité de feed-back qui permet d’ajuster, et enfin l’anticipation du temps, facteur très actif dans le mécanisme des attentes.

- En fin, la capacité d’auto-analyse permet l’adaptation.

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Rédigé le 04/02/2011 modifié le 27/12/2023
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Coach spécialisée en Sexologie, Praticienne en Hypnose Thérapeutique, EMDR IMO à Paris,… En savoir plus sur cet auteur


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