Hypnose et Bientraitance. Un KO contre le chaos. Jean-Michel HERIN

L'installation de l'hypnose dans les milieux chirurgicaux amène en premier lieu à reconnaître combien le langage en vigueur peut être anxiogène, pour lui substituer une communication plus rassurante. On peut aussi aller plus loin, quand l'anesthésiste fait confiance à sa créativité !



L'installation de l'hypnose dans les milieux chirurgicaux amène en premier lieu à reconnaître combien le langage en vigueur peut être anxiogène, pour lui substituer une communication plus rassurante. On peut aussi aller plus loin, quand l'anesthésiste fait confiance à sa créativité !

Pour définir ce qu'est l'hypnose, je montre souvent des stéréogrammes, ces images à la mode dans les années 1980, vaguement psychédéliques, que l'on fixe quelques instants à une certaine distance, avant de voir apparaître des éléphants ou des girafes au milieu de paliers multicolores. L'hypnose est un processus de focalisation, tout comme on focalise la vue pour voir apparaître les images dont nous pouvons avoir besoin à un moment donné (guérison), ou bien au contraire disparaître les animaux que nous ne voulons pas voir (sensations désagréables, douleurs).
Tout médecin, tout soignant maîtrise les techniques inhérentes aux soins à prodiguer. A technicité égale, la différence se fera sur le degré d’humanité avec lequel ces soins seront faits. L’hypnose est le pont idéal entre technicité et humanité, et on peut rapprocher la notion d'humanité de la notion de bientraitance. Les textes de Martin Buber ou de Smith résument bien cette notion qui nous oriente également vers la notion d'empathie. On peut aussi se plonger dans la notion de soin en lisant L'éloge du soin de Philippe Svandra.

Les patient(e)s devant bénéficier d'une anesthésie, soit pour un acte chirurgical, soit pour un examen diagnostique (endoscopie), soit avant un accouchement, peuvent vivre cette période comme une phase de chaos. Notre rôle est de les sécuriser, tant par nos bonnes pratiques scientifiques que par une attitude et un langage rassurants, afin de créer un lien avec le patient et d’établir un climat de confiance propice à une alliance thérapeutique. L'hypnose nous fournit de multiples outils dans ce but.

Nous pouvons aussi être amenés à prendre en charge des patients en chaos aigu pour une quelque autre raison (séparation quelle qu’en soit l'origine), ou en dépression chronique. L'hypnose permet de mettre à profit le temps de cette consultation pour semer les germes du changement. La vie est faite d'états stables qui, à la faveur d'un évènement malheureux ou parfois heureux, nous font passer par une phase de chaos, de très hauts et de très bas : " Vous voyez, vous êtes là et vous allez là. Quoiqu'il arrive vous allez vers plus haut : regardez, même si vous retournez le dessin. J'appelle cela un KO au chaos ! "


Schéma à faire

Le nouveau "challenge thérapeutique", lors de chaque prise en charge anesthésique, que ce soit en consultation, au bloc opératoire ou en maternité, est de semer des petites graines de changement chez tous les patients ou les patientes que nous sommes amenés à prendre en charge.

Nous avons commencé par nous intéresser à l’accueil des patients lors de leur arrivée au bloc opératoire.
Le chemin vers le bloc, la découverte de cet endroit inconnu, anxiogène et hostile, induisent chez le patient une véritable transe hypnotique. D’ailleurs, on note fréquemment que bon nombre de patients arrivent en salle avec une (voire les deux) mains en catalepsie, ou bien une de leurs mains placée sur un lieu sûr corporel. Dans ce contexte, il s’agit d’une « transe négative », inconfortable. Notre rôle est d’amener le patient vers une « transe positive » confortable.

Nous nous sommes basés sur le VAKO, et avons répertorié toutes les stimulations Visuelles, Auditives, Kinesthésiques et Olfactives auxquelles est soumis le patient arrivant au bloc :
- Visuel : accueil par un personnel masqué, cagoulé et anonyme ; matériel médico chirurgical stocké dans les couloirs ; visualisation de la sortie du patient précédent intubé ventilé ; arrivée dans une salle d’opération suréclairée (le scialytique dirigé vers le visage du patient) ; visualisation pour le patient de sa propre nudité, des champs opératoires, de l’instrumentation en cours de préparation.
- Auditif : langage, conversations du personnel pouvant être inadaptées, bruit des instruments, déballage du matériel, alarmes diverses, téléphone, bips, musique inadaptée.
- Kinesthésique : température au bloc opératoire (lutte contre le froid), installation inconfortable, mobilisations génératrices de nausées, badigeonnage, ponctions, installation du monitoring, plaque de bistouri.
- Olfactif : odeurs « médicales » (éther, gaz anesthésiques), ventilations inadaptées.
Une fois répertoriées, toutes ces stimulations sont très facilement corrigibles pour peu que l’équipe soignante soit attentive. Le temps consacré à corriger ces imperfections a été évalué et semble négligeable par rapport au confort gagné pour le patient. Cette démarche rentre par ailleurs dans les démarches d’accréditation de plus en plus exigeantes.

Il est important de préciser que ce travail s’inscrit dans une dynamique de groupe où le discours tenu au patient est en harmonie avec tous les paroles et les soins prodigués à celui-ci par les opérateurs, les IADE et les IBODE.

On peut constater qu’avec un minimum d’efforts, et sans que cela prenne de temps supplémentaire, le vécu du patient peut être totalement transformé. Il est fortement souhaitable d’expliquer avant la procédure tout ce qui va être fait, avec des termes choisis, en indiquant chaque fois que cela est possible la durée des gestes qui vont être effectués. Le patient ne se prépare pas de la même manière pour un geste qui dure 5 minutes que pour un geste qui en dure 15. L’appréhension est plus importante quand on ne connaît pas la durée de ce qui va être fait.

Le tableau suivant reprend les termes habituellement utilisés en croyant bien faire. Il montre comment ces termes peuvent avoir des effets inverses et suggère une formulation plus efficace pour installer plus de confort et de confiance.

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Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°27 Novembre Décembre 2012 Janvier 2013

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Rédigé le 19/11/2012 modifié le 03/10/2013
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Dr Thierry SERVILLAT, Psychiatre, Ancien Président de la Confédération Francophone d'Hypnose et… En savoir plus sur cet auteur


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