Du Tremblement a la transe Du symptôme au synchrone. Dr Daniel QUIN. Revue Hypnose & Thérapies Brèves 23

Le script d’une séance avec un patient souffrant de tremblements est complété par l’analyse des différentes techniques employées.



Je vois ce matin en consultation – je suis médecin généraliste – un jeune homme de 20 ans adressé par son médecin référent pour un problème qui ferait trembler n’importe quel membre de notre noble confrérie médicale.
Du moins, je l’imagine. Appelons-le Olivier. Il est chaudronnier de métier. Il se bat depuis un certain nombre d’années contre un mal, s’étant allié successivement avec bon nombre de spécialistes et ayant utilisé bon nombre de remèdes dont aucun n’a réussi à remédier à son problème. Et voilà que j’entre en scène et que je décide maintenant de vous narrer notre histoire.

Au début, cela m’avait semblé une histoire simple à raconter. Un homme doit soulager, voire guérir un autre. Il y parvient, ou non, et c’est fini, ou presque. Il y a les faits scientifiques et tous les autres, les fantômes qui glissent élégamment sur la tapisserie de la Médecine dite scientifique. Les fantômes aussi il faut s’en occuper, et cela demande beaucoup de soin mais cela, je le sais. Le fantôme n’aspire qu’à une chose : revivre.

Alors, faisant fi des impératifs du fait scientifiquement prouvé, j’ai laissé libre cours à cette armée des ombres qui grossit sans cesse et qui me hante.
Olivier manifeste un tremblement essentiel du pouce de sa main gauche. Il est gaucher. Et ce tremblement de sa main la plus adroite le gêne dans son activité professionnelle. Après quelques minutes d’entretien, le pouce de mon patient s’est effectivement mis à bouger tout seul, d’un mouvement régulier, relativement lent et ample, presque gracieux. Plus Olivier essayait de contrôler son pouce, plus il tremblait.

J’ai essayé de reproduire le phénomène avec le pouce de ma main droite, qui n’est généralement pas trop gauche, sans succès. Ce patient produit un phénomène de transe, à savoir un phénomène idéo-moteur, un mouvement involontaire qui échappe à tout contrôle conscient. Il est en transe, en autohypnose, et il a besoin de s’en sortir. Comment ? En faisant ce que nous faisons habituellement à la fin d’une cure hypnotique quand le patient a du mal à se réassocier complètement ; nous ré-induisons une transe un peu plus profonde que la précédente avant de le « réveiller » complètement par des suggestions plus ou moins autoritaires et directes.

De ce fait, l’hypnose thérapeutique peut être une réponse valable au tremblement d’Olivier. A l’expérience hypnotique délétère pourra répondre une expérience hypnotique restauratrice et épanouissante. Grâce à celle-ci, nous allons remplacer la logique de passivité, de victime, par une activité saine et salvatrice. Il s’agit de créer une ambiance de changement possible, de changement durable obtenu dans le délai le plus court possible.

Selon M.H. Erickson, pour qu’une thérapie soit durable elle doit agir sur l’inconscient. Et la meilleure façon de faire est d’agir sur le symptôme prédominant à la conscience, ici le tremblement. Le symptôme prédominant est le meilleur hameçon, comme dirait Dominique Megglé, parce que produit par l’inconscient, il est le souci majeur du patient. Si le symptôme est modifié, l’inconscient l’est. L’inconscient est trop compliqué pour être exploré. Or si j’arrive à ne plus trembler involontairement, cela ne relève pas de ma volonté, et Dieu sait que cette tentative de solution est un échec total pour le patient, mais montre que quelque chose a changé dans mon inconscient.

Nous laissons l’inconscient être inconscient ; en travaillant sur le symptôme, nous lui offrons la possibilité de changer ce qui a besoin de l’être. Parfois le patient guérit sans comprendre ni le pourquoi, ni le comment. Souvent il agit de façon détournée, et le patient se surprend à avoir un comportement inhabituel. Si nous changeons notre façon de voir, c’est que quelque chose s’est modifié dans notre inconscient après de nouvelles expériences. Il s’agit de changer tout en restant le même ; c’est de cela que la thérapie se sert pour amener un changement.


Je vais dans un premier temps vous donner la retranscription intégrale de la séance de soin, pour la reprendre ensuite en y insérant des commentaires sur ce qu’il m’a semblé a posteriori être la substantifique moelle éricksonienne de la procédure.

Olivier : Ça fait cinq ans que j’essaye de contrôler ce tremblement et je n’y arrive pas !
Thérapeute : Voulez-vous y arriver ?
O. : Bien sûr, je veux. Sinon je n’essaierais pas depuis si longtemps.
T. : N’avez-vous jamais essayé de trembler du pouce de la main droite ?
O. : Non, je ne crois pas.
T. : Avez-vous déjà essayé de trembler à l’envers avec votre pouce droit ?
O. : Comment ?
T. : Vous ne pourriez probablement pas le faire.
(Pause)
T. : Voulez-vous le découvrir ?
O. : Oui.
T. : Vraiment ?
O. : Trembler à l’envers du pouce droit ?
T. : Non ! Découvrir.
(Pause)
T. : Découvrir.
O. : Je ne sais pas…
T. : Pensez-vous que vous voulez le découvrir ?
O. : Comment je dois faire ?
T. : Pas besoin de faire, juste découvrir.
(Pause)
T. : Juste découvrir !
T. : Est-ce que ça vous dérange si je baisse la lumière ?
T. : Juste découvrir !
(Pause)
T. : Vous pouvez laisser cligner vos paupières jusqu’à ce que ça s’arrête.
C’est ça, très bien, et fermez les yeux.
Fermez les yeux et endormez-vous profondément, de plus en plus profondément.
T. : Et maintenant, ce que j’aimerais que vous fassiez, c’est de vous interroger sur ce tremblement.
T. : J’aimerais que vous ayez la sensation que vous avez tremblé.
T. : Et juste la sensation que vous avez tremblé, juste la sensation. Et ressentir cette sensation, dans le pouce de la main droite.
(Pause)
T. : Et ressentir la sensation dans le pouce à droite.
(Pause)
T. : Et maintenant d’une autre façon, j’aimerais que vous ayez le savoir-faire du tremblement dans le pouce de la main gauche. Savoir comment trembler du pouce gauche.
T. : Et la sensation dans votre pouce droit que vous avez tremblé. Et pendant que vous prenez plaisir à ces deux sensations distinctes, vous pourriez vous intéresser à une troisième.
T. : Un troisième apprentissage par l’expérience.
T. : Vous dites que vous voulez faire certaines choses. Exactement comment, vous ne savez pas. Vous dites que vous le voulez et vous le voulez vraiment.
T. : Du moins je crois, je vous crois. Je ne sais pas si vous le croyez. Mais je vous crois.
T. : Et la seule question est, quand allez-vous le faire ? Allez-vous le faire d’une manière attendue ou d’une manière inattendue ? Cette expérience qui vous intéresse. Vous pouvez mettre en place cette expérience dans votre esprit.
T. : Vous pouvez trembler comme tout le monde : de haut en bas, de gauche à droite, de travers. Vous pouvez mal trembler un bon tremblement ou bien trembler un tremblement mal choisi.
T. : Et vous pouvez trembler de votre pouce droit sans savoir jamais comment il faut. Ensuite, vous pouvez y repenser et découvrir que vous savez ce que c’est sans savoir que vous l’avez fait.
T. : Et alors, vous continuez.
T. : Cette sensation dans la main droite, d’avoir tremblé, elle peut être tout à fait intéressante.
T. : Et savoir que vous pouvez trembler du pouce gauche… est aussi tout à fait intéressante.
T. : Et vous voulez quelque chose. Et vous pouvez vous demander ce que c’est et pourquoi ?
(Pause)
T : Et vous pouvez attendre et vous pouvez vous interroger.
(Pause)
Et vous pouvez attendre et vous interroger, parce que, quelle va être la solution, quelle va être la solution ?…
(Pause)
T. : J’ai appris à mon fils que 2 et 2 font quatre, et 4 et 4 font 8. Et il ne m’a pas cru que 3 et 5 font 8, parce que, disait-il, que je lui avais dit que 4 et 4 font 8.
T. : Et trembler et une chose. Le faire involontairement est une autre. Et savoir le contrôler volontairement en est une troisième.
T. : Et vouloir cacher un tremblement est une autre chose.
T. : Et la sensation dans le pouce droit est tellement importante, que vous ne voulez pas reconnaître cette sensation.
T. : Et le fait de vouloir le cacher est intéressant. Et y prendre plaisir.
T. : Et dès que vous savez que vous ne tremblez plus, vous pouvez vous réveiller.

Bien ! Chers lecteurs, prenez vous aussi une grande inspiration et étirez-vous. Nous allons maintenant reprendre ce texte avec les commentaires sur les trucs et les astuces éricksoniens qui émaillent cette intervention.
Je vais marquer en gras les mots dits avec une intonation forte et (en italique entre parenthèse) les mots prononcés avec une tonalité plus basse et plus lentement.

1. Il s’agit tout d’abord de changer son cadre de référence : déplacer le doute, la résistance et l’échec.




Rédigé le 20/03/2012 modifié le 20/03/2012
Lu 3746 fois



Dans la même rubrique :